La Réunion des musées nationaux (RMN) devra-t-elle réviser sa stratégie, recentrer ses activités et réduire ses ambitions l’an prochain, à la suite de son déficit commercial ? Un audit économique de l’établissement public met en garde contre ces tentations, qui seraient \"suicidaires\".
PARIS - L’annonce d’un déficit commercial de 39,5 millions de francs en 1995 (lire le JdA n° 29, octobre) a fait l’effet d’un éclair dans un ciel bleu de croissance et de bénéfices constants depuis près d’une décennie. Après avoir conduit le développement de la RMN pendant six ans, Jean-François Chougnet, directeur administratif et financier, a préféré démissionner. "Effectivement, la conjoncture est défavorable, mais si la RMN n’avait pas investi autant, jamais elle ne serait devenue ce qu’elle est aujourd’hui. Elle aurait disparu", affirme-t-il. "Nombre d’investissements sont à moyen terme, comme l’informatisation du service photo, et beaucoup répondaient à une stratégie d’occupation et de consolidation de nos parts de marché." "Si en matière d’édition une stratégie d’offre s’impose toujours, peut-être aurions-nous dû développer pour les produits dérivés une stratégie vraiment basée sur la demande", reconnaît-il.
Missions de service public
Les salariés, estimant la situation économique de l’entreprise particulièrement grave, ont déclenché la "procédure d’alerte". Dès lors, les comptes de la RMN ont été communiqués et un rapport d’expertise financière établi. Ce dernier circule parmi les personnels depuis octobre. Par ailleurs, Irène Bizot, administrateur général, a commandé un autre audit qui devrait valider les diagnostics établis par le premier.
Selon le rapport, le besoin de trésorerie s’élèverait en fait à 20 millions de francs. Celui-ci rappelle que la rentabilité de la RMN a été mise à mal par "le nombre croissant de missions de service public" dictées par l’État, que ce dernier a réalisé abondamment de "véritables ponctions" dans les finances de la RMN et qu’il l’a privée de ressources importantes en modifiant les statuts de Versailles et du Louvre, qu’enfin les nombreux investissements, décidés avec l’accord du ministère, ont été "intégralement financés sur ses ressources d’exploitation accumulées au fil des années".
Ainsi est-il préconisé – à l’intention du ministère, pressé notamment par le Syndicat national de l’Édition de limiter les activités de la RMN à ses missions de service public – de ne pas s’engager "dans un processus de réduction d’activités qui rendrait exsangue l’établissement" et de ne pas "recentrer les activités éditoriales et commerciales sur les seuls musées nationaux". Appliquer de telles orientations à cette institution, qui "sur l’ensemble de ses secteurs d’intervention, a depuis dix ans démontré sa capacité à gérer un développement spectaculaire", serait "suicidaire".
Chacun admet que les circonstances imposent une gestion et une politique salariale plus rigoureuses, mais un plan social touchant les 966 salariés semble exclu. Enfin, de façon à maintenir les principaux axes de développement, le rapport établi dans le cadre de la procédure de droit d’alerte souligne l’urgence d’une "recapitalisation, nécessaire au redéploiement".
Réviser des investissements
Réuni à deux reprises en novembre, le conseil d’administration de la RMN a procédé à l’examen critique de ces rapports, alors que le ministère de la Culture annonçait qu’il comblerait les 20 millions de déficit. Cette somme, imputée au prochain collectif budgétaire, n’est pas considérable si l’on songe que la RMN a versé au cours des dix dernières années quelque 500 millions de francs pour permettre aux musées d’acquérir des œuvres, et que les missions et contraintes imposées par l’État et ses services – publications scientifiques, Revue du Louvre, déficit des visites-conférences, changement des statuts du Louvre et de Versailles... – représentent pour les seules années 1994 et 1995 la bagatelle de 141,6 millions de francs !
Enfin, sans compromettre ses orientations stratégiques, sa tutelle pourrait inviter la RMN à vendre une partie de son patrimoine immobilier (dont le seul immeuble parisien du 10bis rue du Pré-aux-Clercs est estimé par le cabinet Thouard à plus de 24 millions de francs pour un revenu locatif annuel dérisoire de 500 000 F), à réduire ses investissements dans l’espace marchand du Musée de Lille, et à ne répondre qu’à un ou deux des appels d’offres pour de nouvelles boutiques que le Musée de Nancy, en restauration, et les musées de Toulouse et de Strasbourg, en création, doivent lancer en 1997.
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Quelle stratégie pour la Réunion des musées nationaux ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°31 du 1 décembre 1996, avec le titre suivant : Quelle stratégie pour la Réunion des musées nationaux ?