ERMENONVILLE
Alors que l’avenir du Centre culturel de rencontre qui le gérait paraît bien sombre, le parc historique du XVIIIe siècle fait l’objet d’un projet d’exploitation commerciale porté par le nouveau propriétaire du château.
Ermenonville (Oise).« Par décision du Conseil d’administration le 13 mars 2019, le Parc Rousseau est fermé au public jusqu’à nouvel ordre », peut-on lire sur le site du jardin réputé pour son esthétique pittoresque et l’ultime séjour qu’y fit en 1778 l’auteur des Confessions. À l’origine de cette fermeture brutale, la non-reconduction par le Département de l’Oise, propriétaire du parc, de la convention de l’association chargée depuis 2013 de sa valorisation. Labellisée « Centre culturel de rencontre » par le ministère de la Culture, l’association menait de front gestion paysagère et programme culturel, médiation et botanique, établissant des liens entre l’art des jardins et la peinture classique, la philosophie des Lumières et la création contemporaine. Comprenant des jardiniers comme des professionnels des arts visuels et du spectacle vivant, l’équipe comptait entre 10 et 15 personnes salariées selon les saisons. À son actif, une augmentation des ressources propres – la contribution du Département ne couvrant plus que 60 % du budget en 2018 – et une progression de 13 000 à 28 000 du nombre de visiteurs, dont une grande partie de scolaires. Mais « le Département n’a pas renouvelé la convention triennale du Centre culturel de rencontre à la date imposée par la loi dans le cadre de ce label, décerné aux lieux de patrimoine développant des projets artistiques, culturels et scientifiques », explique la directrice de l’association, Corinne Charpentier. « Nous sommes donc contraints de cesser nos activités. »
Ce n’est sans doute pas une coïncidence si, dans le même temps, la rumeur enflait autour d’un projet concurrent échafaudé par le très entreprenant voisin du parc, Antoine Haswani. Cet homme d’affaires libano-québécois, devenu en 2018 propriétaire du château d’Ermenonville sis sur la partie privatisée du domaine, caressait en effet depuis longtemps le rêve de créer « une forêt magique » adossée à un château-hôtel. Ce francophile basé à Montréal, producteur, entre autres, du Cirque du Soleil et du Crazy Horse, assure avoir « investi beaucoup d’argent pour la phase d’étude » d’un projet qui « se base sur l’histoire du lieu et ne le dénature pas », tout en rappelant que c’est là que fut tourné le film Les Visiteurs (1993). Cet hypothétique nouvel occupant va-t-il prendre en charge les frais attachés à l’entretien de ces 62 hectares de forêt, d’étangs et de prairies, estimés à environ 700 000 euros par an, pour l’heure à la charge du Département ? « Notre intention est que ce nouveau projet apporte du confort à tout le monde, Département inclus, affirme-t-il. Mais nous n’avons pas commencé les négociations, ni reçu les chiffres exacts pour pouvoir évaluer. »
On pourrait simplifier en opposant, d’un côté, une mission de culture qui coûte de l’argent, et de l’autre, un projet commercial qui pourrait en rapporter. Difficile cependant de comparer ce qui par définition n’est pas comparable. Assujetti à un choix politique dicté par des préoccupations de gestionnaires, le devenir du parc Rousseau est un cas d’école. Le philosophe des Lumières, devenu une marque universelle, y aurait peut-être vu une rupture du contrat social.
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Que va devenir le parc Rousseau ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°523 du 10 mai 2019, avec le titre suivant : Que va devenir le parc Rousseau ?