Six antiquaires proposeront à la Biennale des manuscrits, des livres anciens et des enluminures. Des documents exceptionnels y seront présentés, tel le manuscrit sur vélin de la main du célèbre généalogiste Pierre d’Hozier, qui dresse un tableau des alliances de Marie de Médicis avec les principales cours souveraines d’Europe, ou un missel brodé, réalisé dans les années 1825-1829 pour Marie-Caroline de Bourbon-Sicile, duchesse de Berry, et relié à ses armes.
Sur le stand de la galerie Les Enluminures, l’une des plus belles œuvres présentées est sans doute un manuscrit illustré des Fables Cyrillus datant du XVe siècle. Cette version due à Ulrich von Pottenstein, Das Buch der natürlichen Weisheit, en haut moyen allemand, comprend 96 illustrations aquarellées dans une reliure du XVIe siècle. Il s’agirait d’un des plus anciens manuscrits existant de ce texte, qui était autrefois conservé dans la bibliothèque du comte Johann Nepomuk von Wilczeck, à Burg Kreusenstein (Tyrol), vers 1425-1430. Sandra Hindman souligne que “le dernier manuscrit de fables passé en vente publique serait un exemplaire d’Ésope de Dyson Perrins, à Londres en 1960, aujourd’hui dans la collection du J. Paul Getty Museum”.
Pour la librairie Thomas Scheler, Bernard Clavreuil a choisi de mettre en vedette d’anciens possesseurs des livres et de manuscrits. Troisième fils de Henri IV et de Marie de Médicis, Gaston d’Orléans, collectionneur de goût, conservait dans sa bibliothèque les Œconomies royales, une édition originale imprimée clandestinement des mémoires du duc de Sully frappée de ses armes. Ces deux volumes contenant le récit des faits marquants qui ont émaillé le règne d’Henri IV de 1570 à 1605 évoquent tant les massacres de la Saint-Barthélemy que le mariage du roi avec Catherine de Médicis. Sully les a rédigés alors qu’il vivait retiré dans son château de Sully-sur-Loire après qu’il ait donné sa démission de surintendant des finances et de gouverneur de la Bastille, en 1611.
Un missel brodé réalisé pour la duchesse de Berry
Le missel brodé que présente Rodolphe Chamonal a été réalisé dans les années 1825-1829 pour Marie-Caroline de Bourbon-Sicile, duchesse de Berry, et relié par Simier aux armes de la princesse. Cet exemplaire a été enrichi de 32 planches hors-texte brodées sur vélin dans le style des enluminures, avec fils de soie polychromes, raccords à l’aquarelle et à la gouache. La plupart des planches représentent des scènes bibliques. “La qualité des planches brodées, utilisant toutes les couleurs, les nuances et les jeux d’ombre possibles et imaginables, est sidérante, souligne Rodolphe Chamonal. Les drapés des costumes, les incarnats, les expressions des visages surtout, laissent rêveur.”
Chez Chamonal encore, un manuscrit de la fin du XVIIIe siècle sur la mythologie hindoue, une des premières introductions systématiques à la mythologie, à la philosophie et à l’iconographie de l’Inde ancienne. Le texte, calligraphié à l’encre noire et rouge, présente une synthèse des caractères et des actions de chaque divinité, détaillant les rencontres entre les dieux et leurs transfigurations. L’ouvrage est illustré de 80 compositions originales enluminées hors-texte, aquarellées avec rehauts de gouache et d’or. “Ces images sont d’une qualité exceptionnelle, finement dessinnées, coloriées dans des tons vifs et néanmoins délicats. Tout est ici mesure, sobriété, clarté, précision didactique. Les artistes n’ont pas oublié qu’il s’agissait avant tout d’exposer aux savants orientalistes et aux amateurs occidentaux les complications du Panthéon hindou”.
Belles illustrations en couleurs également pour ce Don Quichotte de la Manche de Cervantes exposé par Claude Blaizot. L’ouvrage est enrichi de douze lithographies originales de Salvador Dalí, dont trois sur double page, dans une reliure de Germaine de Coster et Hélène Dumas.
Chez Pierre Berès seront exposés vingt livres d’art qui ont été annotés ou enrichis de croquis et de dessins originaux par Alberto Giacometti, tout au long de ses longues nuits sans sommeil. Ces volumes évoquent inspirations, projets et réminiscences, mais aussi les rencontres de l’artiste avec Matisse, Maeght, Tériade et d’autres.
La littérature laisse place à l’histoire sur le stand de la librairie Pinault, qui présente une pièce rare : une lettre dactylographiée, signée “Ph. Pétain” et destinée à l’amiral Esteva, datant du 19 mai 1943. Résident général en Tunisie, Esteva s’est conformé aux ordres de Vichy et, lors du débarquement américain en Afrique du Nord, ne s’est pas opposé à l’arrivée des forces allemandes à Tunis, en novembre 1942. C’est dans ce contexte que Pétain lui adresse cet éloge : “Vous avez servi à la manière de ceux qui firent la grandeur de la France d’autrefois. Vous avez mis au-dessus de tout le principe de la fidélité. Sans peur et sans reproche comme le chevalier Bayard, vous avez été loyal et fidèle.” Ce texte a été évoqué lors du procès du Maréchal et dans les attendus de l’arrêt de la Haute Cour de justice prononcé le 15 août 1945.
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Quand les missels étaient brodés
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°66 du 11 septembre 1998, avec le titre suivant : Quand les missels étaient brodés