Pour une vie de bâton de chaise

Même s’il déclare “ne pas avoir une passion pour les arts appliqués”, François Morellet a déjà réalisé de nombreux objets usuels, un service de porcelaine blanche qui reproduit la trame de parallèles 0° - 55° - 90° - 145°, un collier composé de dix barres d’acier inox ou un vase-sculpture en cristal pressé. L’artiste s’est associé ici avec son fils, Friquet Morellet, qui est parti d’un dessin de son père. Le travail du bois de sycomore massif est l’œuvre de l’ébéniste Hubert Weinzierl, qui a déjà collaboré, entre autres, avec Martin Szekely. La forme de cette chaise tirée à cinquante exemplaires est proche du concept du tableau qui en cache un autre, puisque deux objets semblent ici imbriqués l’un dans l’autre. Ce siège est, selon Morellet, “très dérangeant suivant les angles”, l’effet d’optique étant induit par le décalage de quelques degrés du meuble par rapport à sa verticale. Pour ce projet, commencé en 1990, l’artiste n’a pas “voulu jouer au designer, mais plutôt créer une sculpture praticable”. “Il ne me viendrait pas à l’idée de placer douze de ces chaises autour d’une table”, précise-t-il, un sentiment que partage les deux éditeurs, Catherine Issert et Thibaut de la Châtre. Ce dernier souligne d’ail­leurs le confort relatif du meuble, qui “n’est pas une chaise de conversation”. Fidèle à ses jeux de mots, François Morellet a intitulé sa création Paire-La-chaise, référence aux deux signatures et à la dualité de l’objet. “Et puis cela lui donne un côté macabre et de mauvais goût qui m’amuse”, déclare-il ironiquement.