NEW YORK / ÉTATS-UNIS
Plusieurs voix s’élèvent pour censurer l’artiste qui expose actuellement à Boston, en raison d’une de ses toiles montrée à la Biennale du Withney jugée choquante.
États-Unis. Un artiste blanc peut-il représenter la souffrance des Noirs ? Tels sont les termes de la très vive controverse suscitée aux États-Unis par la peintre américaine Dana Schutz (née 1976), dont une vingtaine d’œuvres sont exposées jusqu’au 27 novembre à l’Institut d’art contemporain (ICA) de Boston. La polémique, qui lui vaut des appels au boycott, ne provient d’aucune peinture actuellement visible, mais d’une autre, intitulée Open Casket (Cercueil ouvert), présentée en mars dernier à la biennale du Whitney Museum, à New York.
L’artiste avait choqué en exposant une peinture représentant Emmett Till dans son cercueil. La mort de cet adolescent afro-américain, assassiné à 14 ans par deux Blancs avec une indicible sauvagerie dans le Sud profond des États-Unis en 1955, avait été l’un des déclencheurs du mouvement pour les droits civiques.
Les faits – que Roy Bryant et son demi-frère J.W. Milam avouèrent une fois acquittés – datent peut-être de la deuxième moitié du XXe siècle dans le Mississippi, mais le contexte des tensions raciales aux États-Unis demeure tel que l’œuvre peinte en 2016 déchire depuis des mois la communauté artistique, dont une frange appelle aujourd’hui à ce que Dana Schutz ne puisse plus exposer.
Open Casket n’aurait pas seulement dû être retirée de la biennale, estime un groupe d’artistes et de militants pour les droits des Noirs qui a rédigé fin juillet une lettre ouverte. Elle aurait également dû pousser l’ICA à renoncer à exposer l’artiste. « S’il vous plaît, retirez l’exposition. L’ICA a la responsabilité de s’opposer au discours dominant et à l’appropriation de la souffrance noire », ont-ils écrit à Eva Respini, commissaire de l’exposition. « Il ne s’agit pas de censure, mais de responsabilité institutionnelle », ont ajouté les auteurs, pas convaincus que l’ICA ait la volonté de remédier au soutien flagrant et continu à ce type d’art violent. Pour eux, si l’institut n’y a pas renoncé, c’est simplement pour capitaliser sur la controverse et vendre.
Face à cette colère, un autre groupe d’artistes a lui aussi publié une lettre ouverte, pour soutenir l’artiste new-yorkaise ainsi que l’ICA, qui refuse de céder aux forces en faveur de la censure et étouffant le dialogue. « Il est également de la plus haute importance pour nous, artistes, de ne pas nous infliger entre nous l’intolérance et la tyrannie que l’on critique chez les autres », estiment-ils.
S’il n’a en effet pas plié dans la tempête, l’ICA a expliqué par la voix de sa directrice, Jill Medvedow, que « la controverse est l’opportunité d’avoir un débat et une réflexion sur les questions de représentation et de responsabilité, de compassion et d’empathie, d’art et de justice sociale ». L’ICA s’est même résolu à placer un texte à côté de son exposition actuelle, expliquant que l’artiste a fait l’objet d’une controverse sur la représentation raciale.
Pas sûr, toutefois, que cela soit de nature à calmer les plus inextinguibles détracteurs de Dana Schutz. L’artiste britannique Hannah Black, par exemple, avait appelé à carrément détruire l’œuvre contentieuse, car « il est inacceptable qu’une personne blanche transforme la souffrance noire en profit et en divertissement ».
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Polémique autour d’une œuvre de Dana Schutz
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°484 du 8 septembre 2017, avec le titre suivant : Polémique autour d’une œuvre de Dana Schutz