Justice

Pissarro spolié par les nazis : pas de médiation entre les parties

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 3 mars 2021 - 569 mots

PARIS

Objet d'un bras de fer entre le musée de l'Oklahoma et l'héritière française de ses anciens propriétaires, un tableau de Camille Pissarro, spolié par les nazis durant l'Occupation, a été l'objet d'un vif débat mardi au tribunal judiciaire de Paris, la partie américaine refusant l'injonction de la justice française d'une médiation entre les parties.

Camille Pissarro, La Bergère rentrant ses moutons, 1886, huile sur toile, 46 x 38 cm. © Fred Jones Jr Museum of Art, public domain
Camille Pissarro, La Bergère rentrant ses moutons, 1886, huile sur toile, 46 x 38 cm.

« Les médiateurs n'ont pas pu rencontrer les parties de l'Oklahoma malgré un délai de deux mois et demi » depuis la décision du tribunal d'ordonner une médiation, a déploré la juge des référés. « C'est une forme d'outrage pour les tribunaux français », a-t-elle ajouté.

Le tableau La bergère rentrant des moutons, qui se trouve aux Etats-Unis depuis les années 50, a été légué en 2000 au musée Fred Jones Jr de l'Université d'Oklahoma.

Dans cette affaire qui oppose depuis 2016 cette université à Léone Meyer, 81 ans, héritière de l'ancien propriétaire du tableau, une toile peinte en 1886 par Pissarro et spoliée par les nazis en 1941, la justice française et la justice américaine jouent des partitions parallèles.

Dernier épisode en date, un juge américain a exigé fin février que Mme Meyer renonce aux poursuites engagées en France sous peine d'une amende de 3,65 millions de dollars. L'avocat de Mme Meyer, Me Ron Soffer, a présenté mardi une assignation demandant l'annulation de cette décision américaine mais la partie américaine a prétendu n'avoir jamais reçu cette assignation malgré les copies de mails présentées à l'audience par la défense de Mme Meyer.

La juge des référés a fixé au 9 mars une nouvelle audience pour examiner cette assignation.

Concernant le fond de l'affaire, le délibéré a été fixé au 2 juin. Une demande de mise sous séquestre du tableau, actuellement hébergé au musée d'Orsay mais qui selon la justice américaine devrait revenir dans l'Oklahoma le 21 juillet, sera examinée le 13 avril.

« Rien ne peut faire obstruction à la restitution d'une œuvre spoliée par les nazis », a plaidé Me Soffer.

La toile de Pissarro faisait partie d'une collection d'œuvres d'art rassemblée dans les années 1930 par Raoul Meyer, père adoptif de Léone Meyer. Sous l'Occupation, Raoul Meyer qui participe à la Résistance tente de mettre à l'abri ses biens dans un coffre de banque, à Mont-de-Marsan (Landes). Mais le coffre est pillé par les Allemands, en 1941, et la collection est dispersée.

Le tableau de Pissarro refait surface en 1951 en Suisse. Raoul Meyer tente vainement de le récupérer mais la justice suisse s'y oppose. Le Pissarro est vendu à un galeriste new-yorkais, David Findley, qui le revend en 1957 à un couple de collectionneurs américains, qui l'ont finalement légué au musée Fred Jones Jr de l'Université d'Oklahoma.

Ayant retrouvé la trace de l'œuvre sur Internet, Léone Meyer engage en mai 2013 une action en restitution devant la justice américaine. En février 2016, l'université de l'Oklahoma consent à un règlement amiable. Selon cet accord, l'institution reconnaît le titre de propriété de l'œuvre à Mme Meyer mais à la condition d'une « rotation », tous les trois ans, entre le musée Fred Jones Jr et la France.

Une clause atypique prévoit en outre que, de son vivant, Léone Meyer doit léguer la toile à un musée français, qui devra respecter les allers et retours du tableau. Cette clause a été jugée inacceptable par le musée d'Orsay. L'accord américain prévoit qu'au décès de la vieille dame « le tableau sera transféré de manière permanente » aux Etats-Unis si l'accord n'a pas été respecté de son vivant.

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