Créée en décembre 2000, la Direction générale de l’architecture et de l’art contemporain italienne (Darc) est opérationnelle depuis mai 2001. Ayant pour vocation l’inventaire, la protection et la valorisation des créations architecturales et plastiques des cinquante dernières années, la Darc est dirigée par l’architecte Pio Baldi. Premier état des lieux du plus jeune des départements du ministère de la Culture italien.
En Italie, les créations des grandes signatures de l’architecture de l’après-guerre sont menacées par des restaurations irrespectueuses et des changements de fonctions. Comment la tutelle de ces bâtiments considérés comme trop récents pour entrer dans la catégorie du Patrimoine peut-elle être exercée ?
Nous n’employons guère le terme de tutelle car il implique une servitude que l’on ne peut appliquer aux œuvres de notre époque. Pour l’architecture et l’art contemporain, nous pouvons déjà agir grâce à la loi de 1941 concernant le droit d’auteur. En outre, notre bureau est doté d’autres moyens d’actions. En tant que surintendant et vice-directeur de l’Institut central de restauration (ICR), je me suis occupé de tutelle du Patrimoine pendant vingt-cinq ans et en tant qu’architecte, j’ai constamment entretenu des liens étroits avec la création contemporaine. Nous sommes soutenus par plusieurs associations professionnelles, l’ordre des architectes et quelques universités. La protection de l’architecture des cinquante dernières années est la préoccupation majeure de la Darc. Il y a parmi les édifices qui n’ont pas plus de cinquante ans, certains exemples dignes de bénéficier d’une protection. Aussi, nous menons des recherches actives pour inventorier les constructions.
Les cinquante années fixées par la loi représentent-elles une limite pour l’inventaire des constructions ?
La date peut varier en fonction de l’année en cours. Dans la mesure où l’architecte vit encore, la loi sur le droit d’auteur représente déjà une bonne protection. Dans le cas contraire, il existe des systèmes de communication efficaces pour la sauvegarde des œuvres.
Sur quels critères effectuez-vous la sélection ?
Il s’agit d’édifices publics qui ont fait l’objet d’une publication dans une ou deux revues nationales – Domus, Casabella ou d’autres –, d’œuvres dessinées par des architectes dont la notoriété est attestée par les textes d’historiens de l’architecture ou d’édifices fondamentaux par l’innovation technologique. Les constructions, majoritairement privées, qui rentrent dans deux ou trois de ces catégories, peuvent aspirer à une protection puis à une valorisation de notre part.
Après le recensement architectural de Rome, quelles seront les autres villes concernées par ce projet ?
Naples, où le travail a commencé, puis Milan et Florence. Avec ces quatre villes, la moitié de l’Italie contemporaine sera mise en évidence. Même si les financements sont encore faibles, nous pourrons peu à peu distribuer des subventions. Pour la période 2002-2004, la Darc a obtenu 5,89 millions d’euros, alors que la Direction des biens architecturaux et du paysage dispose de 262,57 millions d’euros.
N’aurait-il pas été opportun de dépasser la limite des cinquante ans en incluant l’architecture italienne de l’entre-deux-guerres ?
Cela serait possible avec la collaboration d’autres bureaux car les séparations ne sont pas si rigides. Les surintendances se sont révélées être de grande compétence. Nous recevons beaucoup de demandes d’expositions et de recherches sur l’architecture contemporaine.
La loi qui devrait permettre l’achat ou la réalisation d’œuvres d’art pour tout nouveau bâtiment construit à hauteur de 2 % du budget total est l’unique instrument de l’État en faveur de l’art contemporain. Croyez-vous qu’il serait juste de la réformer ?
J’en suis convaincu. Cette loi, née à la veille de la dernière guerre et reprise pendant les années de reconstruction, a été étendue à l’ensemble des édifices publics dans des conditions quelque peu obscures. Aussi est-elle mal appliquée de nos jours, notamment parce qu’elle ne prévoit pas de pénalités contre ceux qui ne la respectent pas.
On dit que Renzo Piano, comme de nombreux architectes, ne voit pas d’un bon œil l’application du 2 % pour l’Auditorium de Rome.
Nous donnerons le bon exemple en appliquant les 2 % au Centre d’art contemporain dans l’ancienne caserne Montello de la via Guido Reni (lire le JdA n° 80, 2 avril 1999). La loi doit être réformée pour faciliter le rapport entre l’architecte et l’artiste et permettre une véritable juxtaposition de leurs travaux.
Quelles autres lignes souhaitez-vous suivre ?
Nous avons pour principe de faire la promotion de l’art et de l’architecture contemporaine par des systèmes qui favorisent l’émulation : concours, prix... tout ce qui peut favoriser la compétition. C’est dans cette optique qu’a été créé le premier prix national pour l’art contemporain et le concours destinés aux architectes de moins de quarante ans pour l’espace de la Darc à la Biennale de Venise.
Il est difficile ces derniers temps de comprendre qui, au niveau gouvernemental, prend les décisions pour la culture. De plus, la création contemporaine semble subir la subjectivité des politiciens en place.
En ce qui concerne la Biennale de Venise, son statut est très clair. Le ministre nomme un président qui, à son tour, nomme les commissaires. Après quoi, l’organe présidentiel et l’organe administratif agissent en totale autonomie. Certes, l’homme politique peut donner son opinion, c’est son métier, mais les organismes sont par nature protégés.
Pourquoi le projet du Centre d’art contemporain de Rome de Zaha Hadid ne décolle-t-il ?
Qui le prétend ? Le cahier des charges est rédigé, le concours pourrait avoir lieu entre juin et juillet, et les travaux pourront commencer dès janvier 2003. Après la donation d’une centaine d’œuvres de Mimmo Rotella provenant de la Fondation Rotella, nous bénéficions d’un vrai climat de confiance. Nous envisageons également une gestion mixte ; certes, la direction scientifique, les expositions et les acquisitions resteront l’apanage de l’État, mais d’autres secteurs pourront être confiés à des privés par le biais d’appels d’offres. Le Centre, aussi grand que le Centre Pompidou, coûtera cher ; de fait, l’apport financier privé est nécessaire.
En ce qui concerne l’art contemporain, quels rapports envisagez-vous avec les musées ?
Grâce à une loi votée en 2001, nous disposerons de 5 millions d’euros pour l’acquisition d’œuvres contemporaines destinées aux collections nationales. Certes, ce montant n’est pas énorme, mais il représente beaucoup par rapport à la parcimonie qui était de mise en Italie. Tous les acquéreurs – l’État, les régions, les provinces et les communes – resteront en contact pour éviter les doublons.
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Pio Baldi : L’Italie se préoccupe de son patrimoine récent
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°150 du 31 mai 2002, avec le titre suivant : Pio Baldi : L’Italie se préoccupe de son patrimoine récent