Paul Mashatile, ministre des Arts et de la Culture de l’Afrique du Sud, considère la culture comme une nouvelle ressource pour son pays.
Ministre des Arts et de la Culture d’Afrique du Sud depuis novembre 2010, Paul Mashatile a auparavant occupé plusieurs fonctions électives dans sa province de Gauteng. Militant de l’ANC (le parti du Congrès national africain), il a passé 4 ans en prison sans jugement durant l’apartheid. Il nous a accordé un entretien à l’occasion de sa venue à Paris pour présenter officiellement la Saison sud-africaine en France faisant suite à la Saison française en Afrique du Sud l’an dernier (voir le JdA n° 376 du 5 octobre 2012).
Jean-Christophe Castelain : Quand et comment la décision a-t-elle été prise d’organiser une saison croisée ?
Paul Mashatile : Elle a été prise lors du Sommet de Nice en 2010 entre votre président de l’époque Nicolas Sarkozy et notre président Jacob Zuma. J’étais alors vice-ministre de la Culture. Tous deux voulaient renforcer la coopération culturelle dans tous les domaines entre nos deux pays. La culture est l’esprit d’une nation. Si on veut renforcer la coopération entre les pays, il est important de créer des contacts entre les gens. C’est la première fois que nous organisons une telle manifestation avec un autre pays. Cela nous pousse à faire les choses en grand.
Comment pouvez-vous dire que le volet français en Afrique du Sud a été une réussite ?
Beaucoup d’indices le prouvent. La salle pour la conférence de presse était comble. Plus de 80 organisateurs français ont été présents, dont plusieurs personnalités. Le Festival « Joy of Jazz » par exemple était complet. Il y a eu beaucoup de monde à tous les événements.
Le programme en France fait la part belle à la création contemporaine au détriment de l’histoire, du patrimoine, est-ce voulu ?
Il est vrai que la plupart des manifestations qui m’ont été proposées concernent beaucoup la création actuelle. Vous avez raison nous devrions essayer d’élargir le spectre. Six mois c’est beaucoup ! Nous allons en profiter pour aller dans les régions et pas simplement à Paris.
Qu’est-ce que le Mandela Day ?
Chaque année, le 18 juillet, date anniversaire de Nelson Mandela, les gens sont invités à faire quelque chose pour les autres pendant 67 minutes. Par exemple peindre une école, aider dans un hôpital; j’ai moi-même donné des livres dans une école. Ce n’est pas une initiative gouvernementale qui part du haut, cela doit partir de la base. Pourquoi 67 minutes ? Parce que Nelson Mandela a passé 67 ans à agir pour les autres. La première Mandela Day a eu lieu il y a 2 ans. C’est une manifestation très populaire dans mon pays bien que ce ne soit pas un jour férié. Les Nations unies soutiennent ce programme. Nous avons l’espoir que les Français s’investissent dans cette belle idée.
Que pèsent les 2,5 milliards de rands (environ 210 millions d’euros) alloués à la culture dans le budget de l’État ?
Ils représentent environ 0,3 %. Ce n’est pas un budget ridicule, mais il peut encore grandir ! Je suis confiant concernant son augmentation, car les arts et la culture sont aussi des moteurs pour l’économie. Le ministre des Finances vient ainsi d’annoncer que les bibliothèques vont bénéficier d’un budget additionnel d’1 milliard de rands (80 millions d’euros) pour les trois années à venir.
La mission essentielle de votre ministère, mise en exergue dans toute votre communication, est de « bâtir une société solidaire ». Quels en sont les principaux programmes ?
Il faut comprendre d’où nous venons, des années d’apartheid et de conflits, une société pluriethnique, une nation divisée… Une de nos premières priorités est que les gens comprennent les nouveaux symboles de la nation, notre nouveau drapeau arc-en-ciel qui reflète notre diversité, notre nouvel hymne… Nous devons avoir des symboles dont nous pouvons être fiers. Le problème des langues est critique en Afrique du Sud. Il y a onze langues officielles reconnues dans la constitution et nous souhaitons favoriser le multilinguisme, certaines langues sont en danger car elles sont de moins en moins utilisées. Nous venons de voter une loi ordonnant aux agences gouvernementales d’utiliser au moins trois langues. Les jeunes sont encouragés à étudier une deuxième langue en plus de leur langue maternelle. Dénommer les lieux publics, place, rue, hôpitaux est aussi très important, ces derniers doivent également porter notre histoire récente. Enfin nous voulons bâtir des musées et monuments pour commémorer chaque moment important de notre histoire tout en conservant les musées traditionnels comme le Voortrekker Monument qui raconte l’histoire des pionniers boers, des Afrikaners. Même si nous avons eu des conflits avec eux, on ne peut oublier cette partie de notre histoire. Nous allons aussi construire des centres d’archives dans les régions.
Votre parcours est plutôt économique, pourquoi avez-vous été choisi comme ministre de la Culture ?
Le président voulait un ministre qui apporte de nouvelles idées. Je pense que la culture et les industries culturelles sont un formidable levier de développement économique. Jusqu’à présent l’économie de l’Afrique du Sud a beaucoup reposé sur les mines, notamment les mines d’or. Je pense que la culture peut être une nouvelle mine. Les touristes ne se contentent plus des paysages, ils veulent visiter des musées, des monuments. Nos festivals dans les villes font le plein. Nous pouvons créer des emplois dans la culture. Le président Zuma adhère totalement à cette stratégie dénommée Mzansi Golden Economy (MGE).
Votre pays sera-t-il présent à la Biennale de Venise comme en 2011, lorsque votre processus de sélection des artistes avait été critiqué ?
Oui nous allons avoir un pavillon à Venise cette année. Et contrairement à la Biennale précédente lorsque j’ai dû choisir nos artistes dans l’urgence juste après mon arrivée, cette fois nous avons pu mettre en place un processus de sélection rigoureux. Une dizaine d’artistes nous représentera cette année, et j’espère que ces artistes auront le même succès que Mary Sibande en 2011.
Où en sont les procédures judiciaires à l’encontre de l’artiste qui avait réalisé un portrait satirique du président Zuma ?
Cette histoire est complètement derrière nous. Le président a abandonné toutes poursuites judiciaires. Nous ne voulons pas apparaître intolérants, la liberté d’expression concerne aussi les artistes. Mais les artistes aussi doivent mesurer les effets de leur mise en cause des autres. La ligne est mince entre l’offense et la liberté de création, mais l’État ne doit pas trop intervenir.
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Paul Mashatile : « La culture, une nouvelle mine pour mon pays »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°391 du 10 mai 2013, avec le titre suivant : Paul Mashatile : « La culture, une nouvelle mine pour mon pays »