PARIS
Grand pénaliste et amateur d’art, il fut l’avocat de maints artistes et de leur famille dont il cultivait l’amitié.
PARIS - Disparu le 15 janvier à près de 90 ans, Paul Lombard connut la célébrité en plaidant l’innocence de Christian Ranucci, exécuté en 1976. Il intervint dans une suite de crimes affreux, de scandales politiques et de crapuleries, traçant la géographie d’une France sûre de son fait et prompte à dissimuler ses hontes et ses failles. Il traitait des affaires dans tous les sens du terme, puisqu’il fut aussi l’avocat de Jean-Luc Lagardère et Vincent Bolloré.
Bel homme à tête de chef indien, à la chevelure de jais devenue d’un blanc neige avec le temps, il prétendait contre toutes les apparences « n’avoir rien d’un séducteur » et être un timide né. En fait, il fut l’un des représentants de cette génération au verbe haut qui a marqué la Ve République. Né à Marseille en 1927 dans une famille de médecins, installé rive gauche en 1995, il se disait « deux-tiers Parisien, deux-tiers Marseillais », ou plutôt l’inverse. Pétrifié à l’idée de recevoir une balle perdue, il fut le témoin à un duel de Gaston Defferre. Plus tard, le maire de Marseille l’introduira dans les cercles de la Mitterrandie. Lui qui se réclamait de « l’extrême centre » eut surtout pour mentor l’éloquent réformiste Edgar Faure, qui le fit entrer dans son cabinet d’avocat. Il aimait lire – récitant des heures durant Apollinaire, Verlaine ou Rimbaud. Il aimait écrire, des livres sur l’art, la poésie ou le droit– s’attirant de vives réactions quand il suggéra la suppression du juge d’instruction. Par-dessus tout, il adorait plaider – ce qui lui manquait le plus ces dernières années, rapporte Olivier Baratelli, qui a repris son cabinet. Il accueillit avec soulagement le « téléphone portatif », lui qui s’était fait poser un fil téléphonique de plusieurs mètres de long au bureau pour pouvoir parler en marchant de long en large.
Proche de César, de la famille Picasso…
César lui offrit une compression de ses propres ouvrages et de traités juridiques. Il possédait aussi une réduction de son Centaure. Dans son appartement donnant sur le Luxembourg, une toile de Picasso voisinait avec des céramiques de l’artiste et des dessins de Balthus, dont il recueillit les souvenirs. « L’art était sa deuxième peau », témoigne Maître Baratelli qui se souvient de leur première sortie, à l’atelier de Combas, auprès duquel il acquit plusieurs crucifix. Il défendit le grand commissaire-priseur Jacques Tajan et le galeriste Adrien Maeght. S’étant spécialisé dans le droit de succession, il a traité celle d’artistes ou de leurs héritiers comme Bonnard, Chagall, Matisse, Matta et bien sûr Picasso. Il représenta Maya Picasso dans cet héritage considérable, compliqué par la question juridique mouvante des enfants naturels. Contrairement à ce que colportent des ragots, Picasso adorait ses enfants et sa veuve, Jacqueline, fut la première à reconnaître leurs droits. L’avocat ne changea pas la jurisprudence, mais il sut « parfaitement trouver la subtilité du droit » permettant de remplir ce vœu, rapporte le fils de Maya, Olivier Picasso, qui conserva une relation d’amitié avec lui.
Les méandres du marché de l’art ont aussi occasionné de sérieux ennuis à Paul Lombard, quand il fut inculpé avec Pierre Rosenberg dans l’affaire Suzanne Canson, séquestrée par sa compagne Joëlle Pesnel et morte après avoir été spoliée de son héritage, dont le Gentilhomme sévillan de Murillo acheté par le Louvre à sa tortionnaire. Les deux hommes bénéficièrent d’un non-lieu et Olivier Baratelli préfère se souvenir de celui « grâce auquel ce tableau fut ramené de Londres », où il était mis en vente par Christie’s, « pour se retrouver au Louvre ».
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Paul Lombard, défenseur des arts
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°472 du 3 février 2017, avec le titre suivant : Paul Lombard, défenseur des arts