La dégaine d’Olivier Gagnère fait davantage penser au dandysme d’un Gainsbourg qu’à la sérénité colorée de sa production. Comme Mattia Bonetti, il doit sa culture raffinée de l’histoire des arts décoratifs à la présence d’un père antiquaire. Il lui doit probablement aussi la fréquentation des artisans et sa grande passion pour la belle ouvrage. Il aime démonter et comprendre chaque technique pour pouvoir la conduire dans ses derniers retranchements, détournant, réinventant le savoir-faire. Certains disent qu’il est passéiste. Il est au contraire très contemporain dans son art de mélanger les styles, les époques et les matières. Olivier Gagnère est un innovateur classique. Classique dans ses formes qui sont des déclinaisons de formes traditionnelles avec parfois un détail surdimensionné, qui confère alors au meuble ou à l’objet un brin d’humour. Ni le bricolage, ni le kitsch ne le tentent. Un élément baroque, si. Mais autant qu’un élément antiquisant ou influencé par la Sécession viennoise ou Memphis. Son innovation est dans la mise au point et le mariage entre l’ancien et le nouveau. Par un jeu subtil de contaminations, de collages, de glissements, d’évocations à peine sensibles, il compose un monde harmonieux. Le vocabulaire de Gagnère est très simple : des rayures et des quadrillages formant des motifs à carreaux ou écossais, des cônes,
des croix, des pois, des boules, des bosses, des cercles, des médaillons, des crénelés. Et une propension très architecturale pour les socles, les double socles et les empilements de volumes. Il donne du relief à ce vocabulaire par de petites perversions (tortillons, fraises, gouttes), des renversements, de légères dissonances. Dès sa première exposition en 1982 à la galerie Marc Amoric, il montrait une immense connaissance des matériaux avec son paravent en médium, un matériau qu’il fut l’un des premiers à utiliser. Sottsass à Milan lui apprit à ne pas avoir peur d’oser. Son affaire à lui sera ensuite de doser.
Il n’aura ainsi pas peur d’utiliser la fausse fourrure, le feutre, de marteler le fer. La surface lui importe beaucoup. Qu’elle soit très brillante ou très mate, lisse ou en relief, polie ou granuleuse, sa matière vibre et résonne d’un timbre particulier. Il n’hésite pas à faire se côtoyer le bronze et le vinyle lorsqu’il présente sa collection Wild, produite par Neotu en 1997. Lorsqu’il choisit une matière, il se déplace et va là où on la fabrique le mieux. Ainsi, il se rendra à Vicence puis à Quimper pour la faïence, mais aussi deux fois à Vallauris. Il s’attaque à la porcelaine, d’abord au laboratoire du CRAFT, puis chez Bernardaud, toujours à Limoges. Mais il a besoin de se frotter à la porcelaine orientale. Il part donc au Japon, à Arita, où l’empereur fait fabriquer ses services, puis à la manufacture de Kasama, trésor national vivant. Même démarche pour le verre. Il travaille à Murano avec le grande maître Lino Tagliapietra, puis avec Caramella, le meilleur verrier de Toso Vetri d’Arte. Olivier Gagnère n’a ni préjugés, ni états d’âme. Concevoir un verre en grande série pour Ricard lui plaît autant que d’imaginer une coupe aux cristalleries de Saint-Louis ou un vase unique à Murano. Et il est à l’aise à la fois dans la grande tradition française des décorateurs et dans la famille internationale du design. Le fonctionnel élégant est sa façon à lui d’être moderne.
- RIOM, Musée Mandet, 14, rue de l’Hôtel de Ville, tél. 04 73 38 18 53, 23 juin-18 octobre.
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Olivier Gagnère, un innovateur classique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°527 du 1 juin 2001, avec le titre suivant : Olivier Gagnère, un innovateur classique