Quelques jours avant qu’il ne soit au centre d’une polémique, le ministre de la Culture a présenté son budget pour 2010. Les urgences de certains dossiers ont été prises en compte, notamment dans le domaine du patrimoine monumental, tout comme un rééquilibrage entre Paris et les régions.
PARIS - Décor immuable, celui des ors de la Rue de Valois, et aréopage classique des conseillers et hauts responsables du ministère de la Culture… Le 1er octobre 2009, jour attendu de présentation du premier budget de Frédéric Mitterrand, le scénario était identique à celui des années précédentes. Pourtant, s’il s’est fait attendre au pupitre, l’acteur principal a tenu à marquer sa différence avec ses prédécesseurs. Sur la forme d’abord, quand le ministre a confirmé ses talents de discoureur, là où Christine Albanel avait souvent péché. Sur le fond également, Frédéric Mitterrand s’évertuant à prouver qu’il y a désormais un pilote à la barre d’un ministère qui a bien failli récemment chavirer. Le nouveau ministre l’a d’emblée martelé, il dispose du « plein soutien du président de la République ». Entendez : sans cela, aucun ministre de la Culture n’a jamais réussi à ce poste…
Justifiant sa relative discrétion des premiers mois passés Rue de Valois, Frédéric Mitterrand a d’abord défendu sa méthode, « consulter, écouter, réfléchir ». Cela pour mettre en œuvre ce qu’il a défini comme ses trois priorités : promouvoir une culture sociale ; relever le défi de la transmission grâce au soutien à l’éducation artistique et culturelle, déplorant au passage « l’absence regrettable d’agrégation d’histoire de l’art » ; promouvoir le numérique. Voilà pour les mots. Mais ce triptyque sera-t-il voué à ne rester qu’au stade des annonces ? Pas évident. Car, si le nouveau ministre disposait d’une marge de manœuvre très faible au vu de la situation budgétaire mais aussi des engagements triennaux, il est parvenu à ventiler de manière habile son budget, ménageant quelques heureuses surprises dans ses arbitrages. Si la hausse affichée des crédits de la mission Culture ne trompera personne – seulement 0,5 % en autorisations d’engagement et 3,9 % en crédits de paiement (soit 2,921 milliards d’euros), qui serviront d’abord à absorber les nombreux encours –, la structure du budget prend enfin en compte quelques urgences. La première priorité du ministère est ainsi désormais le patrimoine monumental. Là où ses prédécesseurs n’avaient obtenu de Bercy qu’une somme d’expédients, le budget 2010 abonde de 100 millions d’euros supplémentaires cette enveloppe, qui frôlera la somme symbolique de 400 millions d’euros. Celle-ci était réclamée à cors et à cris par les parlementaires et les professionnels pour résorber la crise budgétaire du secteur. Cerise sur le gâteau, le projet de taxe extrabudgétaire semble ne pas avoir non plus été abandonné, même si le ministre ne l’a pas confirmé. La piste d’un prélèvement sur les jeux de poker en ligne devrait ainsi être prochainement étudiée au Parlement. Tenant compte des critiques, ce budget destiné aux monuments historiques sera nettement dirigé vers les programmes en régions – y compris vers les monuments n’appartenant pas à l’État – et vers la prévention, les crédits d’entretien connaissant une hausse substantielle ( 80 %).
Par voie de conséquence, les autres programmes seront moins bien lotis : 0,4 % pour la Création, 0,2 % pour la « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », avec une baisse – du plus mauvais effet – des crédits voués à l’accès à la culture (-8,5 %) ! Ce programme « Transmissions », largement absorbé par les fonctions de soutien du ministère (frais de fonctionnement), a toutefois été expurgé de manière significative de quelques scories étrangères à l’action du ministère de la Culture. En 2009, s’y étaient en effet subrepticement glissés des crédits de fonctionnement de l’Union pour la Méditerranée (UPM), qui auront coûté 283 000 euros au ministère (auxquels s’ajoutent 58 000 euros de crédits de personnel), mais aussi des crédits de personnel pour le cabinet du ministre chargé du plan de relance (87 000 euros) ou encore du personnel du service des achats de l’État (150 000 euros)… Quant au Conseil pour la création artistique, piloté par Marin Karmitz à la demande de l’Élysée, les documents révèlent pourquoi Christine Albanel a eu du mal à avaler la pilule : en 2009, il en aura coûté au total plus de 640 000 euros à la Rue de Valois, charge qui sera désormais transférée hors du périmètre Culture, comme l’a répété Frédéric Mitterrand…
Rééquilibrage Paris-Régions
Le nouveau ministre semble par ailleurs avoir pris la mesure d’une autre urgence, celle du rééquilibrage entre Paris et les régions. Les 26 DRAC (Directions régionales des affaires culturelles), dont certaines ont accumulé de nombreuses dettes, bénéficieront de 75 millions d’euros supplémentaires ( 9,7 %). Une augmentation certes limitée, mais qui leur redonnera un peu d’air. En contrepartie, les grands opérateurs du ministère seront encore priés de revoir à la baisse leurs ambitions ou d’accroître leurs ressources propres, la part de leur subvention dans le budget passant de 48 à 45,8 %. Quant aux frais de fonctionnement du ministère, ils resteront stables, à hauteur de 80 millions d’euros.
Pas question, néanmoins, pour Frédéric Mitterrand, de mégoter sur la politique des grands travaux. La Philharmonie de Paris, le centre des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine et le Mucem de Marseille (qui « ouvrira comme prévu en 2013 ») ont été confirmés, tout comme la rénovation du quadrilatère Richelieu (site de la Bibliothèque nationale de France à Paris) qui bénéficiera de plus de 44 millions d’euros en 2010. Viendront ensuite le Palais de Tokyo à Paris, le Centre national de conservation, de restauration et de recherches patrimoniales de Cergy-Pontoise (lire p. 6) et le Musée de l’histoire de France qui devront, pour leur part, être lancés grâce à des financements innovants. Et le nouveau ministre, qui revendique avec insistance sa « liberté d’esprit et de parole », avoue détenir une « liste à la Prévert » de nouveaux projets, qui doivent encore mûrir. Le temps, peut-être, que ses nouveaux arbitrages portent leurs fruits.
Action internationale : une contribution symbolique
Avec 17 millions d’euros consacrés à l’action internationale, le ministère de la Culture pèse peu face aux 598 millions d’euros déboursés par le Quai d’Orsay en faveur du rayonnement culturel et scientifique de la France. Cette enveloppe symbolique demeure toutefois primordiale pour continuer à jouer un rôle à l’heure de la réforme de CulturesFrance, confirmée dans ce nouveau projet de loi de finances. Un établissement public industriel et commercial (Epic) devrait être prochainement mis sur pied alors que le réseau de coopération et d’action culturelle sera rationalisé et réorganisé. Frédéric Mitterrand a néanmoins rappelé que l’enveloppe du ministère ne prenait pas en compte l’action extérieure des établissements publics culturels (musées, scènes nationales…), dont les priorités devraient être bientôt définies dans le cadre d’une mission pilotée par Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Nouvelle donne Rue de Valois
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°311 du 16 octobre 2009, avec le titre suivant : Nouvelle donne Rue de Valois