La mairie voudrait faire taire toute polémique au sujet du départ de Corinne Diserens de la direction du Musée des beaux-arts de la ville.
NANTES - La rupture est désormais consommée. Contrairement à ce qu’avait annoncé officiellement la mairie de Nantes début janvier, le contrat de Corinne Diserens, directrice du Musée des beaux-arts de la ville depuis mai 2003, ne sera pas reconduit. La conservatrice d’origine suisse, spécialiste de l’art moderne et contemporain, ne se verra donc pas confier d’autres missions à Nantes. Elle devra voguer vers de nouveaux horizons. D’après nos informations, l’affaire aurait tourné à l’affrontement personnel entre Corinne Diserens et Yannick Guin, adjoint au maire délégué à la Culture et au Patrimoine, qui aurait mis sa démission dans la balance. Ce dernier, qui avait déclaré à nos confrères du Point en décembre 2002 vouloir valoriser au sein du musée les artistes contemporains de la Région, se serait opposé dès le départ à l’arrivée de la nouvelle directrice, dont la candidature était alors portée par Jean-Marc Ayrault, le député-maire (PS) de la ville, séduit par son envergure internationale. Pour la mairie, l’explication n’a pourtant rien de politique : « Le départ de Corinne Diserens n’est en aucun cas lié à ses choix artistiques. Il s’agit d’un problème de gestion de l’argent public et de mauvais résultats en terme de fréquentation. » La formule est destinée à répondre à une lettre ouverte de soutien à Corinne Diserens, qui a recueilli plus de quatre cents signatures de personnalités du monde de l’art. Dans une ville qui a bénéficié ces dernières années d’une forte valorisation de son image culturelle, il n’est évidemment pas question de laisser penser un tant soit peu qu’on y exerce une censure artistique.
Missions recadrées
Mais peut-on évoquer ce départ sans prendre en considération le climat délétère qui flotte autour du musée depuis plusieurs mois ? Certains partis pris de sa directrice ont en effet suscité l’ire de visiteurs, relayés par le quotidien local Presse Océan. À cela se seraient agrégées des divergences de vues avec la Société des Amis du Musée des beaux-arts (Samba), qui n’aurait pas apprécié de voir ses missions recadrées par la directrice de l’institution. « Affaire nanto-nantaise », rétorque aujourd’hui la Samba. De son côté, Corinne Diserens, qui se dit « très attristée », entend défendre son bilan, arguant d’une fréquentation en hausse de 33 % pour la seule année 2005. En réponse à ceux qui déplorent que l’art contemporain ait occupé trop de place, elle rappelle que le musée fonctionne depuis quelques années avec une équipe scientifique très réduite : « Avec la loi musée de 2002, nous avons perdu notre conservateur d’art ancien, qui était jusque-là mis à disposition par l’État. Son poste n’a jamais été remplacé. » Et de déplorer la faiblesse des moyens octroyés à un musée essoufflé et déstabilisé depuis plusieurs années, qui requiert de surcroît la mise en œuvre de travaux de mise en sécurité.
« Étiquette politique »
En filigrane, c’est donc le rôle du Musée des beaux-arts dans la politique de la Ville qui se pose. « Ce manque de volonté, précise un observateur, est lié à des réalités financières qui sont grevées par d’autres grands projets culturels. » Pour Jean Blaise, directeur du Lieu Unique, à Nantes, qui produira en 2007 la nouvelle Biennale de l’estuaire, une grande manifestation culturelle et artistique, le problème doit être envisagé à une autre échelle. « Les collectivités territoriales doivent définir ensemble la question de l’art dans la Région, ce qui permettra d’identifier plus clairement le rôle du Musée des beaux-arts par rapport aux autres équipements existants. Pour la première fois, la Ville, le département et la Région sont réunis sous une même étiquette politique. C’est donc le moment où jamais ! »
La décision devait être entérinée le 3 février, mais rien ne semblait plus s’opposer au transfert de gestion du Château-Musée des ducs de Bretagne, à Nantes, à une société d’économie mixte, la SEM Nantes Culture et Patrimoine. Celle-ci a été créée sur mesure en mai 2005 pour répondre à l’appel d’offres en qualité de… candidat unique. Avec 84 % du capital, les collectivités locales resteront toutefois largement majoritaires dans cette SEM, un outil juridique déjà largement expérimenté à Nantes. La nouveauté réside toutefois dans son utilisation pour la gestion d’un musée, à l’instar des villes de Caen (Mémorial de Caen) et d’Avignon (Palais des papes). La SEM assurera donc la gestion du musée, ce qui a obligé les personnels à passer sous statut de droit privé. Marie-Hélène Jouzeau, sa conservatrice, en devient la directrice adjointe, la présidence étant assurée par… Yannick Guin. L’ambition est de porter la fréquentation à 500 000 entrées à la réouverture du château fin 2006 (elle s’élevait à 300 000 visiteurs avant les travaux).
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Nantes ne veut pas ternir son image
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°230 du 3 février 2006, avec le titre suivant : Nantes ne veut pas ternir son image