MADRID
À Madrid, où les lieux culturels sont restés ouverts à l’issue du premier confinement, la Fundación Mapfre a poursuivi bon an mal an ses activités. La directrice de son département culturel explique le quotidien chamboulé de la préparation des expositions et de l’accueil du public en temps de Covid.
Pour un visiteur français, le contraste est saisissant. À Madrid, les cafés, les restaurants et les lieux culturels n’ont jamais été refermés depuis l’été dernier. La présidente de la région de Madrid, Isabel Díaz Ayuso – membre du Parti populaire, la droite conservatrice –, a démissionné le 10 mars et a convoqué des élections anticipées, qui auront lieu le 4 mai si le processus suit son cours. Pour certains observateurs, le maintien de l’ouverture des commerces et lieux culturels est plutôt apprécié de la population et serait donc un argument électoral. À la Fundación Mapfre, Nadia Arroyo Arce a répondu à nos questions.
En Espagne, il s’agit d’une politique régionale car il y a des régions, comme l’Andalousie ou la Galice, qui ont décidé de fermer les musées pendant la troisième vague. Madrid et la Catalogne – où nous avons un autre lieu d’exposition, le KBr, à Barcelone – n’ont pas fermé les espaces culturels. Chaque pays prend ses propres décisions, mais je ne comprends pas les différences entre les uns et les autres. Je ne peux qu’exprimer ma solidarité avec les directeurs de musées européens dont les salles sont fermées depuis des mois ; je suis persuadée que les espaces culturels où des mesures efficaces ont été prises permettent au public d’y circuler en toute tranquillité.
Dès que nous avons rouvert après le confinement du printemps dernier, en juin 2020, nous avons pris des mesures qui sont toujours appliquées : tout le monde doit porter un masque à l’intérieur ; la capacité d’accueil de nos espaces de a été réduite de 30 % ; nos visiteurs ne se croisent pas ; on ne donne aucun matériel en papier (ni tickets, ni brochures…) ; dans les salles on peut trouver partout des codes QR avec tous les textes didactiques pour éviter que les gens se rapprochent [des cimaises] pour les lire ; les groupes sont réduits à 6 personnes maximum ; le visiteur peut télécharger les audioguides dans son téléphone portable. Le protocole mis en place par la Fundación Mapfre contre le Covid-19 vient d’ailleurs d’être certifié par l’AENOR (l’Association espagnole de normalisation et de certification), pour les salles d’exposition comme pour les bureaux.
En 2020, la baisse du nombre de nos visiteurs a été de 45 %. Nous sommes plutôt agréablement surpris car nous avons organisé quatre expositions de moins que prévu. Une étude plus détaillée montre que la baisse du nombre de visiteurs des expositions de photographies – la fondation en organise onze chaque année – est moindre : de 15 à 20 %, tandis que dans le cas des expositions de peinture elle est beaucoup plus importante. L’explication est liée à l’âge du public. Ceux qui fréquentent les expositions de photographies sont plus jeunes et plus nombreux que les visiteurs des expositions de peinture ou de sculpture, plus âgés et sûrement plus prudents. La presse a insisté sur les baisses importantes de fréquentation enregistrées à Barcelone ou à Malaga, sans doute à cause de la chute importante du nombre de touristes. Notre public à Madrid est plutôt local, d’où une perte moindre.
Heureusement, notre budget ne dépend pas de la vente de tickets.
Nous avons pu ouvrir malgré la pandémie l’exposition d’Alexej von Jawlensky [visible jusqu’au 9 mai], en collaboration avec le Musée Cantini de Marseille et La Piscine à Roubaix. Notre programmation est définitivement confirmée jusqu’en 2023, avec une moyenne de douze expositions par an. Nous avons de très beaux projets tels que Joan Miró, Giorgio Morandi, Pablo Picasso-Julio González ou Leonora Carrington pour Madrid, et Garry Winogrand ou Tina Modotti, parmi d’autres photographes, à Barcelone. Cependant, nous allons devoir faire face à beaucoup de difficultés pour l’organisation de toutes ces expositions, et procéder par exemple à des installations « virtuelles » à l’aide de la visioconférence.
Il y a eu des aides publiques différentes pour chaque secteur culturel ; elles sont arrivées peu à peu, mais en tant qu’institution privée je ne connais pas les détails.
Je crois que nous avons beaucoup appris tout au long de cette crise sanitaire cauchemardesque. Nous étions obligés de nous adapter et il fallait être flexible, car les conditions variaient d’une semaine à l’autre. Nous avons dû anticiper beaucoup les difficultés logistiques, surtout les transports aériens pour des prêts venant de loin – nous avons repoussé à 2023 l’exposition de Leonora Carrington car 90 % des œuvres proviennent du Mexique et des États-Unis.
Je crois que la culture est plus nécessaire que jamais ; malgré les solutions que sont les plateformes virtuelles, la présence physique au théâtre ou dans un musée reste indispensable. Par chance, les institutions internationales n’ont annulé aucun prêt et nous avons pu ouvrir l’exposition de Jawlensky en pleine troisième vague de la pandémie. Je crois que tout le monde souhaite vraiment que la culture ne s’arrête pas.
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Nadia Arroyo Arce : « Notre protocole contre le covid-19 a été certifié “AENOR” »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°563 du 19 mars 2021, avec le titre suivant : Nadia Arroyo Arce, directrice du département culturel de la Fundación Mapfre à Madrid : « Notre protocole contre le covid-19 a été certifié “AENOR” »