Musées architectures 1990-2000

“Le musée, soutient François Dagognet, se situe à un carrefour : il perd ses fonctions séculaires (sans fin) mais ne cesse pas non plus de se moderniser et de s’équiper (il recommence sur d’autres bases et on ne l’arrêtera pas)”. S’il n’est effectivement plus le temple des Muses antiques dont témoigne Pline l’Ancien, la multiplication des thématiques et la croissance exponentielle des biens propres à être patrimonialisés semblent effectivement assurer un avenir fécond à l’institution. Entamé à la fin du XVIIIe siècle, le développement architectural des musées en Occident occupe le texte introductif de Luca Basso Peressut. De la façade antique du Friedericianum de Cassel achevée en 1779, se référant à des valeurs civiques, à l’ouverture de plus en plus grande du musée vers le spectacle, la conception du lieu a largement évolué, passant du temple au forum, parfois avec excès. “C’est véritablement entre un concert rock, un shopping mall et Disneyland que se dessine la nouvelle architecture des musées”, estime d’ailleurs l’architecte américain Peter Eisenman. Couvrant deux siècles, ce bref historique d’une cinquantaine de pages reste évidemment sommaire, mais il permet une recontextualisation agréable de la seconde partie de l’ouvrage, consacrée à la dernière décennie.

Sujet culturel mais aussi enjeu économique, le musée se doit aujourd’hui d’être singulier et reconnaissable, de “faire signe” pour reprendre les mots de l’auteur. Mais entre l’”explosion congelée” de Frank O. Gehry à Bilbao et l’acropole californienne conçue par Richard Meier pour le Getty Museum de Los Angeles, les signes sont variés. Cet éclectisme est toutefois contrebalancé par une problématique inhérente au programme : quelle doit être la part d’intervention visuelle et symbolique de l’architecture et de ses abords sur les collections qu’elle abrite ? La Kunsthaus de Bregenz, en Autriche, conçue par Peter Zumthor, fait le pari d’un espace neutre, introverti, coupé de l’environnement, dans la tradition de la “machine à exposer”. À l’inverse, la Fondation Beyeler, construite par Renzo Piano à Bâle, ouvre de larges espaces sur le paysage. Largement illustrée et agrémentée de plans et dessins, la sélection de vingt-deux musées, présentés sous forme d’articles monographiques, offre des solutions variées pour des collections artistiques, scientifiques ou de dimension “privée”. Mais, au-delà des programmes muséographiques, l’ouvrage propose une belle compilation d’architectures publiques contemporaines, dépassant évidemment leur fonction de conservation. Les 80 000 visiteurs du Musée juif de Berlin conçu par Daniel Libeskind, pourtant encore vide, ne s’y sont pas trompés : le musée n’a plus besoin de collections.