Au terme d’une bataille juridique qui a fait rage tout le mois de mai, les chefs-d’œuvre de la collection Barnes seront finalement présentés à la Haus der Kunst de Munich, du 15 juin au 15 octobre. Une cour d’appel vient d’invalider un précédent jugement qui interdisait à la Fondation Barnes d’inscrire une étape supplémentaire à la tournée fort lucrative de l’exposition.
NEW YORK (de notre correspondant) - La décision rendue le 18 mai en appel a annulé une sentence prise par le juge Stanley Ott une semaine auparavant, qui interdisait aux quatre-vingts tableaux de la collection Barnes d’être exposés à Munich. Le 11 mai, ce juge de Pennsylvanie avait estimé que les 14,6 millions de dollars (74 millions de francs) déjà recueillis dépassaient largement les 11,1 millions de dollars nécessaires à la Fondation pour rénover les bâtiments de Merion (Pennsylvanie) qui abritent la collection.
La restauration, sous la direction de l’architecte Robert Venturi, serait aujourd’hui achevée à 70 %, et la fin des travaux devrait intervenir en août. En se prononçant contre cette étape supplémentaire, le juge Ott avait rejeté l’argument de la Fondation selon lequel les revenus supplémentaires en provenance de Munich renforceraient sa dotation en fonds propres.
Le juge écrivait qu’"il est notoire que les administrateurs n’ont engagé aucun effort de développement particulier, en plus de la tournée promotionnelle, pour accroître les fonds propres de la dotation. La poursuite de la tournée ne doit pas se substituer à la collecte de fonds, qui fait partie intégrante de toute opération de recherche de financement privé.
" La Cour d’appel s’est au contraire rangée aux arguments de la Fondation en stipulant que les fonds provenant de l’exposition munichoise devront être placés dans une dotation spéciale, destinée à couvrir les rénovations présentes et à venir des bâtiments. Les opposants à la tournée vont se pourvoir en cassation, mais le président de la Fondation Barnes, Richard H. Glanton, considère que leurs efforts ne pourront plus empêcher l’exposition à Munich, "sauf s’ils peuvent arrêter un avion en vol."
La Haus der Kunst s’est engagée à verser l’équivalent de 11 millions de francs pour être le second musée européen, après Orsay en 1993, à accueillir les œuvres de Renoir, Cézanne, Van Gogh, Matisse, Picasso… Les rapports entre l’institution munichoise et la Fondation ne s’annoncent pas sous les meilleurs auspices. Christoph Vitale, le directeur munichois, doit organiser l’exposition en quatre semaines au lieu des six mois prévus. Il lui faudra de surcroît surmonter d’autres difficultés, liées aux manières pour le moins cavalières de la direction de la Fondation.
Dans la lettre qu’il lui a adressée le 12 avril, Christoph Vitale ne cache pas sa déception : "J’ai été franc et clair au cours de nos négociations, j’aurais souhaité la même attitude de votre part.
" Cette remarque visait peut-être les efforts déployés par la Fondation pour obtenir 2,5 millions de dollars au lieu des 2,25 initialement convenus. On murmure que la Haus der Kunst aurait été préférée à une institution romaine, qui aurait offert plus d’argent.
Les retombées économiques de l’exposition "De Cézanne à Matisse : les chefs-d’œuvre de la collection Barnes" ne doivent en effet pas être sous-estimées. Quelques semaines avant ces rebondissements, le ministère de la Culture, du Tourisme et des Loisirs de l’Ontario et l’Art Gallery de Toronto (AGO), où l’exposition s’est arrêtée en 1994, ont publié les résultats de deux études concernant "l’effet Barnes" sur l’économie de l’Ontario : les quelque 600 000 visiteurs qui ont vu l’exposition ont dépensé 75 millions de dollars canadiens (280 millions de francs) en voyages et en excursions, dégageant au total 137 millions de dollars canadiens (512 millions de francs) de revenus.
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Munich aura sa Barnes Fest
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°15 du 1 juin 1995, avec le titre suivant : Munich aura sa Barnes Fest