MOSCOU / RUSSIE
Un projet d’église dont l’architecture s’écarte du dogme néoclassique devrait voir le jour à Moscou. Mais il heurte un clergé dominé par les ultra-conservateurs.
Moscou. C’est un modeste projet d’une église destinée à accueillir 500 fidèles orthodoxes, dans une zone industrielle éloignée du centre de Moscou, qui a été présenté le 19 juillet par la municipalité. Mais c’est surtout une révolution architecturale. La future église Saint-Ignace le Théophore à Moscou s’écarte radicalement du canon des vingt-cinq dernières années, avec ses lignes arrondies minimalistes, sa blancheur immaculée privée de dorures et son imposante baie vitrée derrière l’autel.
« Le fait que ce projet soit apparu est un petit miracle, estime l’architecte en chef de la Ville de Moscou, Sergueï Kouznetsov. À ce jour, il n’existe pas un seul projet analogue de construction d’église. »
Saint-Ignace le Théophore innove également par les matériaux employés : plastique, fibre de verre, béton. En outre, l’autel n’est séparé de la nef que par une barrière basse avec une iconostase à un niveau. L’espace du ministère n’est pas dissimulé comme c’est devenu progressivement le cas depuis le XVIe siècle, avec l’apparition d’iconostases hautes de plusieurs mètres. Les connaisseurs de l’architecture russe reconnaîtront derrière l’apparence minimaliste un retour aux sources.
Les deux cabinets moscovites d’architectes associés Archpoint et A.R.E.A.L. Architects ne cachent pas s’être inspirés des toutes premières églises orthodoxes russes, bâties au XIVe siècle. Saint-Ignace le Théophore évoque tout particulièrement l’église de la Transfiguration-du-Sauveur-sur-Iline à Novgorod (1378).
Aujourd’hui, les églises orthodoxes poussent comme des champignons dans la capitale, financées par un programme municipal dit des « 200 églises ». Mais elles semblent fabriquées à la chaîne par des architectes privés d’imagination ou bridés par un clergé excessivement conservateur.
Le Patriarcat de Moscou est-il vraiment prêt à autoriser d’autres esthétiques, quand bien même elles ont trouvé financement et le soutien de la Mairie de Moscou ? L’annonce du 19 juillet mentionne que le projet a reçu la bénédiction du Patriarcat de Moscou. Mais, se sentant contourné, l’archiprêtre Léonide Kalinine, président du Conseil d’experts sur l’art, l’architecture et la restauration de l’église orthodoxe russe, affirme le 7 août sur la radio Moscou Parle que le Patriarcat n’a jamais approuvé ce projet de « prétendue église “futuriste” […] Ce n’est pas sa qualité qui est en cause, mais le fait que tout se soit décidé en coulisse […] C’est un événement notoire. Un affront à l’église et une bacchanale se profilent, encouragée par nos chers modernistes. » Depuis, c’est silence radio côté Patriarcat. « Ils débattent entre eux, et les discussions sont vives. Les ultra-conservateurs sont déchaînés contre un projet perçu comme “œcuménique, pro-occidental”, bref, une hérésie. Et le patriarche a peur d’eux », glisse la spécialiste des religions Elena Volkova.
Contactés par le JdA, les architectes assurent que le projet suit son cours et qu’il a été « agréé par le département financier et économique de l’Église orthodoxe russe ».
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Moscou impose une architecture contemporaine aux orthodoxes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°528 du 6 septembre 2019, avec le titre suivant : Moscou impose une architecture contemporaine aux orthodoxes