Trois dates reviennent en mémoire, ou plutôt trois images. 1972, une illustration pleine page dans Esquire à propos d’un article consacré à la guerre du Vietnam : un Mickey en uniforme, à l’oreille bandée, et cette phrase terrible de Shakespeare : « What is honour, a word... » En une seule image, tout est dit du dérisoire et de l’arrogance. 1975, une affichette collée à la va-vite, la nuit, sur les murs de Paris, en soutien à la grève-occupation du Parisien libéré : un chien policier écumant, tenant en sa gueule un exemplaire du journal. En une seule image, tout est dit de la violence et de l’injustice. 1976, une grande affiche en quadri sur laquelle Marx, le front ceint de lunettes de motard, le pouce levé, fait du stop pour se rendre à la Fête des Jeunesses communistes. En une seule image, tout est annoncé des certitudes qui s’effondrent. Engagement, authenticité, singularité, lucidité, humour, en trois images, tout est dit de Michel Quarez dont on ne sait pourtant s’il est graphiste, illustrateur, dessinateur, affichiste, peintre... Peu importe d’ailleurs à cet artiste hors norme qui affirme : « La rue est ma galerie et je ne fais aucune dissociation entre peindre et faire une affiche ». De ce va-et-vient permanent entre affichisme et peinture, d’un propos l’autre, d’un format l’autre, demeurent des constantes spécifiques à Quarez : une lisibilité et une efficacité extrêmes, un vocabulaire ramassé, des couleurs pétantes, une irrévérence joyeuse, un goût de la chair revendiqué et, suprême élégance, une sorte d’optimisme désespéré. Toujours subtilement provocant et jamais bêtement provocateur, Quarez tisse, depuis 35 ans, une sorte de « livre d’heures » d’une redoutable acuité. C’est en 1967 qu’on a vu Michel Quarez, né en 1938 à Damas, en Syrie, apparaître sur le devant de la scène avec La vie privée de Dyane, une mini bande dessinée réalisée pour Citroën à la demande de Robert Delpire. Dès lors, Quarez agit comme illustrateur pour Marie-Claire, L’Expansion, La Nouvelle Critique, mais très vite c’est l’affiche qui l’accapare. Diplômé de l’Ecole des Arts décoratifs de Paris, ancien élève de l’Ecole des Beaux-Arts de Varsovie, vivant et travaillant à Saint-Denis, il fréquente assidûment les allées culturelles et sociales de sa ville et de son département, toutes proches du parti communiste. Naîtra ainsi une succession de petits chefs-d’œuvre. La rue de Valois le remarque et, en 1982, il compose l’affiche de la première Fête de la Musique (il en réalisera d’ailleurs plusieurs, jusqu’en 1994). Il sera plusieurs fois récompensé, et notamment par la médaille d’or de la Biennale de l’Affiche de Toyama au Japon en 1991, et par le Grand Prix national des Arts graphiques en 1992. Et sera souvent exposé, de Varsovie à Chaumont, de Tokyo à Echirolles... En 1998, son affiche pour la Coupe du Monde de football à Saint-Denis lui donne une visibilité exceptionnelle. Son efficacité et son humour s’expriment en 4 x 3 m. Mais surtout, un scepticisme de bon aloi, une manière tendre, rusée et ironique de remettre les choses à leur juste place. L’exact contraire du « cocorico » grégaire, chauvin, bêtifiant et réducteur qui qualifia l’événement. Pascal Gabert expose aujourd’hui et demain, en solo et en collectif, l’affichiste et le peintre. Soit tout Quarez, un et indivisible.
- PARIS, galerie Pascal Gabert, 11bis, rue du Perche, tél. 01 44 54 09 44, exposition personnelle jusqu’au 12 juin, puis collective jusqu’au 10 juillet.
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Michel Quarez affiche son engagement
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°527 du 1 juin 2001, avec le titre suivant : Michel Quarez affiche son engagement