Deux ans de préparation pour trois mois d’exposition : les chiffres peuvent surprendre, mais l’invitation de soixante-trois artistes et le montage de leurs œuvres ne s’improvisent pas. Coup de projecteur sur la fabrication d’une telle manifestation.
LYON (de notre correspondant) - Ruche posée sur une place Bellecour déserte, la maison des Biennales de Lyon bourdonne d’une intense activité depuis déjà plusieurs mois. Car une fois le thème de la Biennale défini – "l’image en mouvement" –, "tout reste à faire", constate Georges Rey, commissaire avec Thierry Raspail et Thierry Prat. Il faut tout d’abord sélectionner les artistes : "Nous avons dû adapter nos méthodes à la nature particulière des œuvres. En effet, elles sont rarement disponibles. Aussi avons-nous lancé une espèce d’appel d’offres, et examiné plus de 600 dossiers", explique Georges Rey. La procédure a démarré dès le printemps 1994, soit près de deux ans avant l’ouverture.
Cette sélection idéale doit ensuite entrer dans l’enveloppe budgétaire de la Biennale. "Je bâtis un budget prévisionnel à l’automne 1994, et je fais partir les demandes de subvention à ce moment-là. Les commissaires savent donc assez vite de combien ils vont disposer", précise Isabelle Rabeyron, administratrice de la Biennale. Sur 16,5 millions de francs de budget total, 9 sont attribués à la sélection des œuvres, à leur installation et aux assurances, 2,5 à la communication et 5 à la gestion générale, la TVA et les amortissements.
"Chaque chef de service gère son budget, notre souci étant toujours de privilégier le projet artistique. Je peux ainsi faire remarquer à un commissaire que le transport des œuvres de tel artiste coûte très cher, mais c’est lui qui prendra la décision en dernière instance", souligne l’administratrice. De fait, certains artistes ont été écartés pour des raisons budgétaires. Thierry Prat estime cependant que "dans l’ensemble, la sélection correspond à ce que nous souhaitions montrer".
12 tonnes de sable noir
Chargé plus précisément des aspects techniques, Thierry Prat se débat pendant les mois qui précèdent l’ouverture avec d’intenses problèmes pratiques. "Tout parcours, s’il peut être conçu idéalement autour d’une table, demande une logistique complexe. Pour cette Biennale, les problèmes sont démultipliés par le fait que nous inaugurons simultanément un nouveau bâtiment et que nous utilisons le Palais des Congrès, un lieu relativement vétuste que nous n’avons jamais utilisé".
La fabrication des œuvres repose souvent sur les techniciens de la Biennale, l’artiste se déplaçant pour les ultimes réglages. Aussi le montage de l’exposition tient-il à la fois du mécano et du mikado : on ne touche pas impunément une œuvre sans en bousculer une autre, et les spécificités techniques donnent le tournis : "Les artistes changent souvent d’avis quand ils voient l’emplacement qu’on leur destine. Ils ont d’autres idées, d’autres exigences. Nous avons dû trouver 12 tonnes de sable noir pour Dennis Oppenheim, alors que nous pensions que quelques kilos suffiraient", raconte avec sérénité Isabelle Bertolotti, qui assiste les commissaires pour le montage de la Biennale.
Professionnalisme et bricolage
Pendant que les commissaires préparent la scénographie, le responsable de la communication, Jean-Michel Garnier, essaie de "faire connaître l’événement au niveau national, avec un budget publicitaire d’un million de francs seulement. Comme nous ne pouvons pas faire une campagne lourde d’affichage, qui d’ailleurs ne serait pas nécessairement efficace, nous cherchons à multiplier les partenariats".
Ce mélange de professionnalisme et de bricolage donne l’impression que la Biennale s’invente tous les jours. Appelé à des tâches multiples, chacun s’affaire, jonglant avec les divers problèmes quotidiens. Mais à quelques semaines de l’ouverture, l’atmosphère s’électrise, et l’ampleur de la tâche à mener par cette équipe réduite paraît colossale au visiteur de passage.
La mise en place de l’exposition faite, il faut ensuite assurer l’accueil des visiteurs. Pascale Duclaux est chargée des groupes, scolaires ou adultes. "Les enseignants commencent à réserver dès septembre. Pour les comités d’entreprises, il faut les solliciter davantage, mais le thème de la Biennale intrigue suffisamment pour les décider. Je pense que mon planning de réservations sera presque complet avant l’ouverture".
L’accent est mis sur la qualité des visites elles-mêmes : "Nous formons en une semaine 20 animateurs. Tous doivent connaître très précisément les artistes, mais chaque visite est personnalisée". Les parcours sont très variés : aux classes maternelles, on propose un "voyage fantastique", aux enfants du primaire une visite "spectateur ou acteur" pour les faire réfléchir sur leur attitude face à la télévision et aux jeux vidéo, aux collégiens une réflexion sur l’usage poétique de la technologie, etc.
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Mécano et mikado
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°20 du 1 décembre 1995, avec le titre suivant : Mécano et mikado