Entre le Mac Donald’s et Disneyland, l’œuvre de Paul McCarthy se joue des codes de la culture américaine pour en désamorcer les mécanismes dans des mises en scènes particulièrement libérées. Portrait de ce père de la jeune génération des artistes californiens qui bénéficie cet été d’une importante rétrospective à la villa Arson, à Nice, exposition organisée par le New Museum of Contemporary Art de New York.
Les vidéos de Paul McCarthy ne sont pas à première vue ragoûtantes. Elles mettent par exemple en scène des personnages masqués plongeant leurs mains dans du ketchup, se couvrant de substances pour le moins suspectes, s’attelant à préparer des mixtures mêlant saucisses, viande hachée ou mayonnaise. Bref, des recettes que n’aurait pas reniées un Casimir friand de son fameux gloubi-boulga. L’art de Paul McCarthy, artiste qui vit et travaille à Los Angeles, puise ses fondements au cœur d’un certain nombre de tabous ou d’interdits propres à la société américaine contemporaine, et use d’un vocabulaire et de poncifs issus de celle-ci : le saloon, la cabane, le Pinocchio version Walt Disney, le Père Noël... Depuis la fin des années 1960, McCarthy a réalisé un grand nombre de performances, d’abord liées à l’espace architectural. L’artiste interroge ensuite le corps humain dans sa dimension de machine ou d’objet. Dans ces œuvres, il met en scène des personnages qui laissent libre cours à leurs instincts les plus primaires, mais aussi les plus “enfantins”, avec une nette tendance aux penchants organiques ou sexuels. Dans une société policée où les tabous sont nombreux, McCarthy ouvre les vannes à un flot d’actes que notre éducation et la société dans sa dimension la plus coercitive nous interdisent d’ordinaire d’accomplir. Il ne s’agit pas tant d’une régression que d’un vent de liberté sans frontière. Des âmes bien pensantes pointent du doigt certaines ambiguïtés qui se situeraient justement dans la capacité de ce travail à mettre en scène l’enfance, cette période durant laquelle les codes de la société ne sont pas encore assimilés par les individus et où, le plus innocemment du monde, toutes sortes d’expérimentations sont possibles dans le vaste terrain de jeu qu’est la vie.
Esthétiquement, l’Américain, tout autant dans ses environnements que dans ses performances filmées, n’hésite pas à utiliser un univers fortement influencé par l’industrie cinématographique hollywoodienne, réalisant des décors ou jouant de la fausse végétation. C’est dans cette atmosphère quelque peu fabriquée, à l’exemple du faux chalet suisse de Heidi, pièce conçue en collaboration avec Mike Kelley, que sont réalisées ces performances outrancières. Au-delà des jets de ketchup, McCarthy interroge également une sexualité fantasmée, individualiste et franchement masculine, à l’image de personnages articulés se frottant contre un arbre. La pièce à laquelle il est fait ici explicitement référence, The Garden, n’a pas suscité l’émoi seulement aux États-Unis, puisque, présentée au Frac Poitou-Charentes à Angoulême en 1994, elle attira les foudres de la puissance publique.
L’artiste revient aujourd’hui en France, à Nice, avec la plus grande rétrospective consacrée jusqu’à présent à son travail. À travers un grand nombre d’œuvres, ce sont plus de trente ans de créations qui sont explorés, trois décennies d’un travail fondateur pour les nouvelles générations d’artistes actifs sur la côte ouest des États-Unis.
- PAUL McCARTHY, du 7 juillet au 23 septembre, villa Arson, 20 avenue Stephen-Liégeard, Nice, tél. 04 92 07 73 73, tlj sauf mardi 14h-19h
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McCarthy grandeur nature
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°130 du 29 juin 2001, avec le titre suivant : McCarthy grandeur nature