Lyon reçoit un Pissarro

Sara Lee étend sa générosité à l’Europe

Le Journal des Arts

Le 8 juillet 1998 - 447 mots

La multinationale Sara Lee Corporation – qui abrite en France des marques comme Dim, Kiwi, Maison du Café ou Justin Bridou – poursuit en Europe ses donations. Cinq musées bénéficieront de sa générosité : le Musée des beaux-arts de Lyon, la National Gallery de Londres et trois établissements hollandais, dont le Van Gogh Museum.

LYON - Après avoir distribué à vingt musées américains les œuvres les plus prestigieuses de sa collection d’art impressionniste et moderne (lire le JdA n° 63), la Sara Lee Corporation vient de sélectionner cinq nouveaux bénéficiaires en Europe, parmi les villes où elle a une présence commerciale significative.

La National Gallery de Londres reçoit Danseurs russes, un pastel de Degas. Aux Pays-Bas, le Singer Museum se voit offrir un Raoul Dufy, le Museum Beelden aan Zee hérite d’un Giacomo Manzù, et un Pissarro rejoint le Van Gogh Museum. C’est aussi une toile de Pissarro, Le Pont-Neuf, qui va gagner les cimaises du Musée des beaux-arts de Lyon, aux côtés des tableaux de Manet, Monet, Renoir et Gauguin entrés au musée dès le début du siècle.

Le conservateur en chef, Philippe Durey, se réjouit de ce don qui vient compléter une collection impressionniste récemment enrichie par le legs Delubac. “Richard Brettell, qui gère le fonds Sara Lee, m’a laissé le choix entre ce Pissarro de la maturité et un visage de clown de Rouault. Comme Jacqueline Delubac nous avait déjà donné une œuvre similaire de ce dernier, j’ai opté pour Le Pont-Neuf. Ce sera notre premier paysage urbain impressionniste et notre second Pissarro, l’autre étant un dépôt du Musée d’Orsay”.

Le tableau ne sera visible à Lyon qu’en 2000. Il doit d’abord être présenté aux États-Unis dans une exposition itinérante consacrée à l’ensemble des donations de la Sara Lee Corporation. L’entreprise entend bien exploiter au maximum cette opération de mécénat pour faire sa publicité… en profitant des avantages fiscaux américains.

Le calcul de la société est simple : si elle vendait sa collection – estimée entre 60 et 100 millions de dollars (360 à 600 millions de francs) –, les taxes à payer seraient énormes. Au contraire, les déductions fiscales qui vont de pair avec cette donation représentent environ 40 % de la valeur marchande des œuvres. Par rapport à une vente, Sara Lee ne perd donc que quelques millions. Une bagatelle pour une société qui dégage un bénéfice net d’un milliard de dollars, et qui souhaite avant tout se forger une image de marque. Philippe Durey applaudit à cette forme de communication inédite, bien qu’il soit “pessimiste sur sa valeur d’exemple auprès des sociétés françaises”, étant donné le système fiscal en vigueur. À moins que cela ne donne des idées à Bercy ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : Lyon reçoit un Pissarro

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