PÉKIN - Imaginez que vous ayez réussi à construire une superpuissance recensant 1,3 milliard d’individus. Vous avez porté votre économie jusqu’à un niveau jamais égalé et vous avez modernisé vos infrastructures.
Maintenant, vous rouvrez votre Musée national qui retrace votre histoire – après une rénovation de quatre années et une extension qui en a fait le plus grand musée du monde. L’immense édifice à colonnes domine la place centrale de votre capitale historique, un site où résonne encore l’écho de sombres moments d’un passé pas si lointain. Quel sujet choisiriez-vous pour votre première grande exposition internationale ? Pour le Musée national de Chine, situé sur la place Tiananmen, à Pékin, le thème est l’Europe des Lumières.
Ce choix est opportun. La résurgence flamboyante de la Chine depuis les années 1970 trouve un précédent dans l’explosion sociale, scientifique et intellectuelle qui a bouleversé l’Europe au XVIIIe siècle, conduisant à la création d’instruments de la modernité – parmi lesquels les musées et les journaux. Pour la Chine, des leçons sont à tirer – en bien et en mal – de l’âge de raison. « Cette exposition a un sens profond pour la Chine en lui permettant de mieux comprendre le monde international aussi bien que de reconnaître et d’embrasser ses propres valeurs culturelles », a déclaré Lu Zhangshen, directeur général du musée.
Occupant, sur une surface de près de 2 800 m2, les espaces dévolus aux cultures internationales dans le bâtiment nouvellement rénové, « L’art des Lumières », qui va durer jusqu’à la fin de l’année, est remarquable non seulement par sa thématique mais aussi par les circonstances qui ont conduit à son organisation. Elle est le résultat d’un accord plus large dans le domaine de la diplomatie culturelle. Les chefs d’États de Chine et d’Allemagne, les présidents Hu Jintao et Christian Wulff, en assurent le patronage. L’idée de monter une exposition en commun a germé lors du voyage de directeurs de musées allemands organisé dans le pays par le gouvernement chinois. Elle s’insère dans une série d’échanges culturels entre les deux États débutée en 2005 dans l’objectif de renforcer leur connaissance commune. L’organisation a été orchestrée conjointement par les autorités chinoises et les musées publics de Dresde, Munich et Berlin. Ensemble, ces derniers ont prêté 579 œuvres d’art, objets scientifiques et costumes. De leur côté, les Chinois ont pris en charge les dépenses et la logistique sur place, notamment le transport, l’assurance, le marketing et les relations presse, et la sécurité. « C’est un peu comme mettre trois ou quatre paquebots dans le même sillage », a déclaré Martin Roth, directeur général des Musées de Dresde, l’un des initiateurs du projet. « Mais cela marche. »
Absorber de nouvelles idées
Beaucoup de musées internationaux cherchent aujourd’hui à nouer des collaborations avec la Chine, mais cet échange-ci a pris une ampleur toute particulière. La cérémonie de signature du contrat pour cette exposition a eu lieu en 2007 dans le Palais de l’Assemblée du peuple, siège du Parlement chinois, situé à l’opposé du Musée national sur la place Tienanmen, et, en 2009, à la Chancellerie à Berlin, en présence de la chancelière Angela Merkel et du Premier ministre chinois Wen Jiabao. Ce projet a fait l’objet en 2010 d’un communiqué diplomatique germano-chinois sur les échanges stratégiques entre les deux nations. Le ministère des Affaires étrangères allemand a réservé à la manifestation un budget de 6,6 millions d’euros, et le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, était présent pour le vernissage à Pékin le 1er avril.
Mais l’engagement de l’Allemagne ne se résume pas au prêt d’œuvres d’art. Le bâtiment lui-même, d’un coût de 380 millions de dollars (196 millions d’euros), a été dessiné par les architectes de Hambourg Gerkan, Marg and Partners (GMP Architectes). Le constructeur automobile BMW est le sponsor principal de l’exposition. La Fondation Mercator, l’une des plus importantes fondations privées allemandes, organisera des conférences et des salons pour un montant total de 1,5 million d’euros. Le Goethe-Institut, équivalent allemand de l’Institut français, a mis en place des programmes éducatifs. Jamais un projet culturel d’une telle ampleur n’avait été organisé entre la Chine et l’Allemagne, qui plus est en intégrant des musées d’outre-Rhin.
L’un des plus grands espoirs mis dans l’exposition « L’art des Lumières » est qu’elle suscite un débat entre artistes, étudiants et professionnels relativement à la place de la Chine sur la scène internationale. « Le musée peut être à l’origine de nouvelles idées », nous a déclaré Stephan Schütz, l’un des partenaires les plus importants de GMP Architectes pour ce projet. « Les gens en Chine sont désireux d’absorber de nouvelles façons de penser. » « Je ne pense pas que les Lumières soient passées ; je pense que chaque époque a besoin de « Lumières » en art et en esthétique, estime de son côté Chen Ping, un officiel chinois. La Chine en a besoin. L’Amérique en a besoin. Et même l’Europe a besoin des Lumières aujourd’hui. »
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Lumière sur Pékin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°345 du 15 avril 2011, avec le titre suivant : Lumière sur Pékin