Longtemps attendue, la Fondation du patrimoine commence à prendre visage. Le décret portant reconnaissance d’utilité publique et approbation des statuts ainsi que les arrêtés portant nomination des quelques membres du conseil dont la désignation relève de l’État viennent d’être publiés au Journal Officiel. Quoique modestement dotée par ses fondateurs, elle pourrait avoir une action de qualité à travers la personnalité du président et des membres du conseil, si elle ne s’enlise pas dans le parlementarisme patrimonial.
PARIS. Les statuts annexés au décret du 18 avril sont assez rébarbatifs, au point de ressembler parfois, par exemple en ce qui concerne l’attribution des voix au conseil d’administration, aux problèmes de robinets ou de locomotives qui se croisaient dans les copies de l’examen d’entrée en 6e. Évidemment, l’équilibre était difficile à trouver entre le principe d’indépendance affirmé par la loi de création, qui stipulait que les donateurs fondateurs devraient disposer de la majorité au conseil, et la tradition patrimoniale française jacobine. Tout le monde devrait ressortir content de ce premier exercice : les fondateurs, dont la prééminence est comptablement affirmée puisqu’ils disposent de 529 voix sur les 1057 représentant le conseil d’administration. Pour éviter une monopolisation, le texte, qui prévoit l’attribution des voix aux fondateurs au prorata de leurs apports, plafonne à 352 (soit un tiers) les voix au conseil que peut détenir un seul membre fondateur. Les élus nationaux et locaux sont représentés par un député, un sénateur et trois représentants des collectivités territoriales (avec un quota – selon l’appartenance du président – de 240 à 220 voix). Philippe Douste-Blazy a renforcé la dimension locale en nommant Jean-Louis Borloo, maire de Valenciennes, en qualité de personnalité qualifiée. Cette nomination est également symptomatique d’un volontarisme en matière d’emploi.
32 millions de francs
L’administration du patrimoine, qui avait, semble-t-il, été tenue en lisière dans l’élaboration des textes d’application, revient en la personne de son directeur, Maryvonne de Saint Pulgent, nommée commissaire du Gouvernement près la Fondation. L’Institut de France sera représenté. De mauvaises langues avaient affirmé que l’Institut, comme la Fondation de France, ne voyait pas d’un bon œil l’intrusion d’un éventuel concurrent. Il n’y a peut-être que les futurs adhérents qui pourront se sentir un peu minoritaires, puisqu’ils ne disposeront que de 3 sièges au conseil leur donnant de 132 à 144 voix, soit moins de 15 %. La solennité de la procédure de désignation, un "scrutin uninominal majoritaire à deux tours" (sic), leur apportera peut-être un supplément de légitimité par rapport aux membres désignés ou cooptés. D’autre part, leur représentation sera importante, par le biais des associations, dans le cadre du conseil d’orientation où les représentants des associations disposeront de 6 sièges (3 pour le patrimoine culturel, 3 pour le patrimoine naturel) sur 12. Quoique ce conseil n’ait que voix consultative, il pourrait jouer un rôle déterminant dans la mobilisation que l’on espère. Le score de la Fondation, qui a réuni 32 millions de francs d’apport des fondateurs, peut sembler un peu faible par rapport à ce que l’on escomptait ; des chiffres de 100 millions, voire plus, avaient été envisagés. Mais après tout, la Fondation n’est ni le Comité olympique ni le Téléthon, et son succès se mesurera davantage à sa capacité de générer et de coordonner des initiatives qu’à ses talents de "fund raiser". Dans ce sens on peut trouver encourageant qu’Édouard de Royère ait été porté à la présidence de la Fondation. Ancien président de L’Air Liquide, il s’était singularisé par une extrême efficacité – toutefois respectueuse des choses et des gens –, doublée d’une grande discrétion. Sous sa présidence, L’Air Liquide est devenu un groupe multinational mais également multiculturel. Dans une période pourtant difficile pour les grands groupes industriels, Édouard de Royère a fait remarquer L’Air Liquide par un développement international continu, assuré par des investissements matériels et humains, et non par l’enchaînement des plans sociaux et des primes à la casse. Comme il a choisi de ne pas s’accrocher à son fauteuil, ce que lui aurait permis son succès, il se trouve disponible pour la Fondation. On attend aussi avec intérêt le nom du directeur général qu’il devra nommer. Le siège social de la Fondation a été fixé au Palais de Chaillot. Il ne reste plus à la Fondation qu’à se mettre à l’ouvrage et à démontrer qu’un développement mixte des patrimoines est possible en France.
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L’intronisation discrète de la Fondation du patrimoine
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°39 du 30 mai 1997, avec le titre suivant : L’intronisation discrète de la Fondation du patrimoine