En juin 2016 a été inauguré le pavillon Pierre Lassonde, quatrième pavillon du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). Pourquoi cet agrandissement ?
Il y a deux raisons. La première est la collection permanente, l’âme du musée : le musée est la seule institution au monde à avoir un mandat national sur la création québécoise, et notre collection d’art contemporain, constituée de plus de neuf mille pièces, n’était pas exposée. La deuxième raison a été notre volonté de relier le musée à la ville. Le MNBAQ est en effet un musée pavillonnaire, implanté depuis 1933 dans le parc des Champs-de-Bataille, un grand espace vert sans contact direct avec la rue. Jusqu’à présent, il fallait donc franchir près d’un demi-kilomètre sur la plaine d’Abraham pour accéder au musée – un acte plutôt courageux en hiver. Avec le pavillon Pierre Lassonde, l’accès se fait désormais par la Grande Allée, l’une des deux rues principales de la ville de Québec. Il nous paraissait fondamental de désenclaver physiquement et mentalement le musée, et de rapprocher l’art du citoyen.
À l’issue d’un concours d’architecture, vous avez choisi le projet de l’agence OMA (Office for Metropolitan Architecture) de New York, un pavillon de verre et d’acier ouvert sur la ville. Pourquoi ce choix ?
Pour moi, il s’agit d’un geste architectural fort et phare. On est en train de repenser les musées, que l’on considérait comme des conservatoires constitués pour l’essentiel de réserves et de quelques salles d’exposition ; ils sont devenus des lieux de partage et d’échanges avec le public. Bien sûr, on peut y boire un café ou acheter une revue, mais ce ne sont pas des« centres d’achat », comme on les appelle chez nous, ni des églises. Le Musée d’art moderne Louisiana, au Danemark, est emblématique de ce que nous voulions faire. La Fondation Maeght aussi, conçue par Josep Lluís Sert, qui faisait partie de mes références pour le dialogue qu’elle établit entre l’art, l’architecture et la nature. Étrangement, ce sont des références historiques mais qui restent précurseurs. C’est ce qui nous a motivés à choisir le projet présenté par OMA. Plutôt que de partir de la boîte noire et de la percer de verre, nous avons décidé de partir de la boîte de verre et d’y mettre des murs pour les œuvres.
Le nouveau pavillon est-il un outil au service du rayonnement de l’art québécois ?
Cela a toujours été la mission première du musée depuis 1933. Une mission partagée, à l’étranger, par la Tate Britain à Londres, le Whitney Museum à New York ou le Mac Val à Vitry-sur-Seine. L’histoire du musée a commencé avec un pavillon de style beaux-arts, avec sa colonnade et ses marches, élevé au fond d’un grand parc. Aujourd’hui, cette volonté de rayonnement est formulée de manière plus claire et transparente : le musée est ouvert sur la rue, les citoyens s’y sentent accueillis et partie prenante du projet. Ce musée est le leur ! Il ne s’agit pas d’une institution privée, il fonctionne grâce aux taxes ; des philanthropes ont certes participé au développement du musée, mais il y a de l’argent public, et donc de l’argent des citoyens. Une collection nationale appartient aux citoyens. Les musées doivent être vivants ; s’ils n’évoluent pas avec leur temps, ils sont condamnés à disparaître.
L’investissement est important (103,4 millions de dollars). Le projet veut-il aussi changer l’image de Québec ?
Le MNBAQ ne pourrait pas exister ailleurs, il est identitaire. Ici, le geste urbain n’a pas été aussi concerté qu’à Bilbao, mais il y a une grande prise de conscience de la part de la ville d’un changement d’identité. La culture peut influencer l’évolution d’une ville. L’exemple emblématique est celui de la Tate Modern : avant son ouverture, la capitale britannique était un centre financier. Elle est devenue depuis, avec la Tate, une ville d’art contemporain… Avec le pavillon Pierre Lassonde, la volonté de rayonnement de l’art québécois est aujourd’hui formulée de manière plus claire et transparente.
Doublé
4e pavillon du MNBAQ, le pavillon Pierre Lassonde, du nom du principal donateur, a multiplié par deux les espaces d’expositions du musée.
75 %
C’est la part de financement assumée par les gouvernements du Québec et du Canada. 25 % du financement vient du privé.
« Nous nous sommes dit qu’il fallait insuffler au musée une énergie nouvelle, qu’il fallait un grand geste pour la ville. » Shohei Shigematsu, directeur d’OMA, New York
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Line Ouellet : « Une collection nationale appartient aux citoyens »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°701 du 1 mai 2017, avec le titre suivant : Line Ouellet : « Une collection nationale appartient aux citoyens »