L’affaire du trésor de Salisbury (lire le JdA n° 55, 27 février) connaît un dénouement heureux pour le British Museum, qui vient de récupérer sa coûteuse et aventureuse acquisition de 22 boucliers de l’âge du fer, exhumés illégalement puis restitués à leur propriétaire. Néanmoins, la réputation du musée a été entachée, une partie des objets du site se sont évaporés, et de nombreuses questions restent en suspens.
LONDRES (de notre correspondant) - L’honnêteté semble avoir payé. Le British Museum a récupéré les 22 boucliers miniatures en bronze du “trésor de Salisbury”. Exhumés sans la permission du propriétaire du terrain, ils avaient été vendus au musée 55 000 livres sterling (environ 500 000 francs) par l’antiquaire Lord McAlpine, en 1989. Une fois le forfait découvert, l’institution londonienne avait choisi, pour des raisons éthiques plutôt que légales, de restituer son acquisition, perdant une somme considérable.
Reconnaissante, Pam Lowrie, la fille du propriétaire défunt, en a fait don au musée en paiement des droits de succession. Dix-neuf autres pièces de moindre valeur étaient incluses dans le lot afin de couvrir la totalité des droits qui s’élevaient à 44 000 livres. Pam Lowrie possède également 307 objets antiques retrouvés par la police chargée de l’enquête par le juge. Ces pièces, de valeur marchande inférieure, ont également été proposées au British Museum. La vente devrait être signée dans le courant de ce mois.
La science, grande perdante
Si l’affaire se conclut de manière satisfaisante pour les deux parties, l’archéologie et l’histoire sont les grandes perdantes. Cent quatre-vingt-huit objets manquent à l’appel, évaporés dans le commerce des antiquités. Or la composition de ce trésor, enfoui près de Salisbury vers 200 avant notre ère, reste un mystère. À côté des boucliers et d’objets contemporains enterrés à cette époque, se trouvaient des pièces remontant à 2400 av. J.-C. Pourquoi des fermiers de l’âge du fer auraient-ils enseveli les reliques d’une société beaucoup plus ancienne avec leur propre production ?
Comme le souligne Ian Stead, ancien conservateur du British Museum, il est primordial pour les archéologues de pouvoir étudier l’ensemble des objets retrouvés. Pour l’ouvrage qu’il vient de publier chez Tempus, The Salisbury Hoard, Ian Stead a entrepris de longues recherches afin de comprendre ce qu’il était advenu du trésor après sa découverte par deux personnes munies de détecteurs de métaux : James Garriock et Terry Rossiter. Avec force graphiques, il retrace le trajet des objets, des mains de leurs inventeurs à celles d’un autre chasseur de trésor – Brian Cavill –, de deux marchands – John Mussel et John Cummings –, et d’un collectionneur, Peter Day. À ce stade, les détenteurs pouvaient se déclarer de bonne foi, tel Lord McAlpine, antiquaire alors réputé, qui a revendu les boucliers au British Museum.
Le problème de la responsabilité du musée est abordé dans l’avant-propos du livre. Lord Renfrew, l’un des administrateurs du British Museum – nommé un an après l’acquisition – y explique que l’établissement aurait dû refuser d’acheter les antiquités. “En payant au très respecté marchand londonien Lord McAlpine la somme substantielle de 55 000 livres sterling pour les boucliers en bronze, et même si celui-ci pouvait affirmer qu’il en avait fait l’acquisition en toute bonne foi, le British Museum s’est exposé à la critique. Payer une somme aussi considérable pour des antiquités dont la provenance n’est pas connue revient à signifier aux pillards que leur travail de nuit sera vraisemblablement très largement récompensé.”
Le livre révèle également que le National Heritage Memorial Fund (NHMF), qui avait été sollicité par le British Museum pour d’éventuelles subventions, n’appréciait guère le mystère entourant la provenance des objets. Il avait donc demandé qu’une garantie soit obtenue de Lord McAlpine : si ses titres de propriété se révélaient faux, celui-ci aurait dû rembourser le montant du prix d’achat, majoré d’intérêts. Les administrateurs du musée avaient alors déclaré qu’une telle pratique était inconcevable, et s’étaient engagés à rembourser le NHMF s’il était prouvé que leurs titres de propriété étaient faux. Ce qui s’est produit.
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L’honnêteté paie, le vol aussi
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°68 du 9 octobre 1998, avec le titre suivant : L’honnêteté paie, le vol aussi