L’intégration de l’univers industriel dans la peinture a été un élément décisif dans la définition du Modernisme. Une exposition à Madrid montre les réticences de la peinture espagnole du XIXe siècle à porter son regard sur cette réalité nouvelle.
MADRID - Depuis plusieurs années, nombre d’expositions collectives ont, d’une manière ou d’une autre, proposé des regards différents sur l’art de ce siècle. “Centre et périphérie dans la modernisation de la peinture espagnole, 1880-1918”, présentée à Madrid et Bilbao, a sans doute constitué l’effort le plus important pour tenter d’expliquer avec cohérence l’un de ses courants artistiques. Or, observée avec un peu de rigueur, cette peinture s’est avérée la plupart du temps assez monotone et terriblement officielle et orthodoxe, tout au moins dans la longue période s’étendant de la disparition de Goya aux modernes catalans. Véritable image du néant, elle a pris le ton gris, caractéristique de la société espagnole jusqu’à la fin du siècle, lorsque l’industrialisation de la Catalogne et du Nord a un peu secoué cet ennui.
“La peinture espagnole à l’ère industrielle” propose une réflexion sur la façon dont les artistes ont traité ce sujet, moderne par excellence, dans l’Espagne du siècle dernier. Sur les trente et un peintres invités pour l’illustrer, certains sont connus, d’autres moins, parmi lesquels Pérez Villaamil, Eugenio Lucas, Fortuny, Arteta, Uría, Regoyos, Pla, Bilbao, Sorolla, Tellaeche, Zuloaga et Vázquez Díaz, dont les noms se répètent d’exposition en exposition. Plus que leur qualité ou leur intérêt documentaire, les œuvres témoignent d’un regard peu sincère sur une réalité espagnole représentée sans souci de vérité. De fait, en vertu du canon de l’époque, l’art était l’opposé de la réalité sociale et industrielle – à quelques exceptions près, l’art du XIXe n’en est pas le reflet –, phénomène général en Europe, avec de rares exceptions comme le Van Gogh de la période belge.
Cette séparation de l’art et de la réalité, imposée par la bourgeoisie, n’a pas été étrangère à la naissance du Modernisme. Jusqu’au temps des avant-gardes, l’environnement industriel n’avait pas été jugé digne d’être figuré. La société bourgeoise espagnole, qui achetait les tableaux, préférait s’entourer d’exploits patriotiques du passé idéalisés, ou de documents picturaux exaltant sa grandeur et non ses misères. Au nombre des tableaux retraçant l’histoire industrielle, les meilleurs sont les plus innocents : les paysages urbains ou champêtres de Pérez Villaamil et Darío de Regoyos, exécutés de manière traditionnelle, intègrent sans dramatisation le nouveau fait industriel.
LA PEINTURE ESPAGNOLE À L’ÈRE INDUSTRIELLE, 1800-1900, jusqu’au 26 juillet, Fundación Arte y TecnologÁa, C/Gran VÁa 28, Madrid, tél. 34 91531 10 03
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L’Espagne face à la modernité
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : L’Espagne face à la modernité