Une controverse s’est élevée à la Neue Pinakothek de Munich au sujet de l’exposition Dürer présentée jusqu’au 3 juin. Destinée à montrer les résultats de la campagne de sauvetage des tableaux attaqués à l’acide par un déséquilibré en 1988, cette manifestation devait-elle montrer, aux côtés des deux œuvres déjà restaurées, la Mater Dolorosa dans l’état où l’a laissée son agresseur ?
MUNICH - Étrange compromis que celui adopté par les commissaires de l’exposition Dürer, à la Neue Pinakothek de Munich : la Mater Dolorosa défigurée et creusée par l’acide, a été présentée au public durant seulement deux semaines, alors que le Retable Paumgartner et la Déploration du Christ mort, également victimes de l’agression de Hans Bohlmann mais entièrement restaurés au terme de 23 000 heures de travail, restent aux cimaises pour toute la durée de l’exposition, aux côtés d’une dizaine d’autres œuvres – intactes – de Dürer. “Cette Mater Dolorosa constitue un choc terrible pour les visiteurs, ce qui justifiait de ne pas la montrer. D’autre part, le dommage est là, irrémédiable, même si les restaurateurs vont s’appliquer à le masquer, explique le conservateur Martin Schawe. Nous avons donc décidé d’exposer le tableau pour une courte période.”
Dans les minutes qui ont suivi l’attaque à l’acide du 21 avril 1988, les restaurateurs ont décroché et posé à plat les trois tableaux, afin d’empêcher le liquide de couler et de dissoudre davantage la composition. Malheureusement, l’acide a traversé le vernis très fin et pénétré à la fois la couche picturale et le support, causant des brûlures irréparables. Pour en arrêter l’action sans mettre l’œuvre en danger, une technique inédite de neutralisation des anions par un échange d’ions a été expérimentée avec succès. La restauration elle-même a pu alors être entreprise. Contrairement au Musée de l’Ermitage, qui avait laissé apparentes les retouches de la Danaë de Rembrandt, victime d’un acte de vandalisme similaire, les restaurateurs allemands ont tenté de cacher au maximum les dégâts. Seul point positif de cette tragédie, les tableaux ont pu être longuement analysés en laboratoire, révélant la nature des pigments employés par Dürer et l’abandon progressif du dessin préparatoire sous-jacent.
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Les pudeurs de la Vierge violée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°59 du 24 avril 1998, avec le titre suivant : Les pudeurs de la Vierge violée