Dans sa nouvelle configuration sur un seul site, la Fiac alloue moins d’espace aux galeries prospectives qui se concentrent alors sur des valeurs sûres.
La réinstallation de la foire sur un unique lieu, le Grand Palais, à Paris, a déclenché une véritable hécatombe chez les galeries émergeantes, attachées à défendre de nouveaux talents. La Cour carrée du Louvre, qui permettait de réserver un espace défini à celles-ci, n’étant plus, l’intégration au site plus prestigieux du Grand Palais a obligé les organisateurs à opérer une sélection plus drastique. Difficile alors pour les galeries d’être prospectives. Beaucoup ont décidé de venir avec des valeurs affirmées, comme la galerie Martine Aboucaya (Paris) qui fait cohabiter, sur son stand, cinq de ses artistes, dont Hans-Peter Feldmann et le duo Detanico & Lain.
Il en est de même chez les nouveaux entrants. La galerie Cherry and Martin (Los Angeles), dont les créateurs qu’elle défend sont pour la plupart relativement jeunes, a décidé, pour sa première participation à la Fiac, de mettre en avant le travail d’un artiste mort en 2006, Robert Heinecken. Celui-ci avait développé une critique acerbe des mass media à travers l’appropriation et le détournement de campagnes publicitaires, d’émissions et séries télévisées. Contemporain de Baldessari et Breman, il a également inspiré nombre de jeunes artistes, au rang desquels Leigh Ledare, présenté chez Office Baroque (Anvers) dans le secteur « Lafayette ».
Surface réduite
Chez les Parisiens, la sélection a été plus sévère, internationalisation de la foire oblige. Les heureux élus s’efforcent de donner une visibilité à un maximum de leurs artistes. Chez Valentin a décidé de venir avec douze de ses protégés, parmi lesquels Laurent Grasso, Pierre Ardouvin et Niels Trannois. Jocelyn Wolff, quelque peu déçu de ne pas avoir eu la surface demandée, s’en sort plutôt bien par rapport à ses camarades des étages. Son stand de 38 m2 lui permet de déployer quelques pièces significatives : des œuvres de Guillaume Leblon bien sûr, nommé pour le prix Marcel Duchamp (lire p. 26), mais aussi une grande pièce de Hans Schabus, Der Turmbau zu Babel (une série de puzzles représentant la tour de Babel de Pieter Brueghel l’Ancien présentée face au mur), ainsi qu’un cabinet de dessins de Valérie Favre. Schleicher Lange revient avec notamment un film de Laurent Montaron, Lent portrait de sainte Bernadette, et une sculpture de l’artiste d’origine portugaise Diogo Pimentão.
Certains quittent le secteur « Lafayette » pour intégrer le secteur général, à l’image de Lucile Corty, fondée en 2007 et présente à la Cour carrée dès 2008. Elle doit réussir, dans un espace réduit de 18 m2, à faire coexister les toiles d’Aurélien Porte, les sculptures de Roxane Borujerdi, et les photographies d’Émilie Pitoiset et Thomas Schmidt. Le secteur « Lafayette », est, lui aussi, fortement restreint, passant de seize galeries en 2010 à dix cette année. Quatre d’entre elles se frottent pour la première fois au public parisien et peuvent aussi mesurer la chance d’être passées entre les fourches caudines du jury. Project 88 (Mumbai) présente le travail de Sarnath Banerjee, vu cette année dans l’exposition « Indian Highway » au Musée d’art contemporain de Lyon. Office Baroque montre le travail de Leigh Ledare sur sa mère, entre fascination et voyeurisme. En contrepoint sont présentés les dessins et installations de Matthew Brannon.
Grande qualité
Malgré ce resserrage, tous s’accordent à saluer les efforts de la foire pour garder un haut degré de qualité. Andreas Schleicher est très enthousiaste à l’idée d’arriver au Grand Palais : « Certains de mes collectionneurs me disaient, après leur passage à la Fiac, ne pas m’avoir vu sur le salon. Ils ne comprenaient pas quand je leur disais que je me trouvais sur un autre lieu. Pour eux, la Cour carrée était assimilée à une foire off. » Il est vrai que le niveau des galeries était inégal, constat particulièrement manifeste l’année dernière. Lucile Corty se veut plus circonspecte : « J’entendais certains de mes confrères, présents à la Cour carrée, se plaindre de ce lieu excentré. J’attends de voir si le fait d’intégrer le Grand Palais m’apportera une visibilité auprès des grands collectionneurs. » Une crainte reste aussi à dissiper : l’installation de ces galeries dans les espaces situés à l’étage de la nef du Grand Palais. Les collectionneurs, après avoir arpenté les allées du rez-de-chaussée et dépensé leurs deniers, auront-ils encore la curiosité de monter quelques marches ? Pierre Morio
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les nouveaux talents en jachère
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°354 du 7 octobre 2011, avec le titre suivant : Les nouveaux talents en jachère