Jeunes artistes, Christophe Berdaguer et Marie Péjus développent une œuvre atypique où l’architecture entre souvent en ligne de compte. On trouve chez eux une relation découlant du Siècle des Lumières tout en pervertissant les acquis de la modernité. Ce qu’ils entendent montrer, c’est que l’objectivité de notre environnement trouve aussi son origine dans notre corps d’être vivant et pensant. Je pense donc je suis dans le monde ; je suis humain donc je pense l’interdépendance de mon existence avec l’extérieur.
Dès lors, l’architecture devient un domaine de prédilection. C’est ainsi que l’on pourrait voir Les Maisons qui meurent (1997), conçues avec l’architecte Rudy Ricciotti.Le principe réside dans l’idée d’une mort annoncée : leurs occupants les vivent plutôt qu’ils n’y habitent.
De même, dans leur exposition à la Villa Arson, en 1997, sujets et objets s’identifiaient en se nourrissant l’un l’autre. Ils formaient une chaîne alimentaire où tous étaient les « maillons faibles ». Ce type de métabolisme est à la base de leur approche « scientifique ». L’interrelation entre spectateur et œuvres ressemble en effet à une démarche laborantine et expérimentale. Autant leurs pièces sont à prendre comme des projets de recherche, des prototypes, des expériences ou des simulations, autant le spectateur est à comprendre comme un sujet clinique, un échantillon, un patient ou un cobaye. Rien ne s’y perd, tout s’y transforme. Mais comme chacun se nourrit de l’autre, c’est au final à un phénomène général de dépréciation que nous assistons. L’individu conscient, inquiet,
se réduit à un processus d’auto-objectivation. D’où cette impression d’horlogerie biologique restreinte aux seuls processus de perception et de compréhension de sa propre dé-subjectivation. Installations et visiteurs sont réduits à une boucle d’informations entre les êtres et les choses que Norbert Wiener, le père de la cybernétique, disait être commune aux animaux, aux machines et aux hommes.
Un aperçu de leurs autres pièces le confirmerait. Chaque cas devient une expérience architecturale, l’occasion d’instaurer une ambiance. Ainsi en va-t-il du projet génomique présenté à la galerie Valois, le Pop corn Human Project (1998), les Animaux domotiques (1999), la Forêt épileptique (1998) et les Paysages chimiques (1999) ou, avec les architectes Décosterd et Rahm (L’Œil n°517), la Ville hormonale (2000). Ainsi en irait-il de l’exposition « Endoscapes » au Frac PACA. Les Lumières fossiles y éclairent l’installation Locked Chamber (2001) sous un éclairage phosphorescent baignant dans un brouillard artificiel épais. Mais non moins « fossilisé » est le spectateur invité à retrouver l’Amour des Origines sous l’Arbre à phéromones (2001) ayant excité sexuellement Adam et Eve ou à parcourir l’exposition avec à portée de bouche le cathéter du Circuit de sommeil (2001). Les dernières lueurs venues du siècle des Lumières fossiles nous parviennent à travers les relectures de Superstudio et d’Archigram. Comme « architecture de papier » hors du temps, Cités Idéales, Plugging Cities et Monument Continu se donnent à voir comme autant de Villes Invisibles éternelles. Dans After... (2001), à l’instar de leurs auteurs originaux aujourd’hui sexuagénaires, Berdaguer et Péjus se sont bornés à vieillir les joyeux figurants pop de cet Âge de Cristal éternel et pourtant révolu.
- MARSEILLE, Frac PACA, 1, place Francis Chirat, tél. 04 91 91 27 55, 28 octobre - 29 décembre.
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Les Lumières fossiles de Berdaguer et Péjus
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°532 du 1 décembre 2001, avec le titre suivant : Les Lumières fossiles de Berdaguer et Péjus