Géant décontracté, chaussé d’énormes Nike, à l’allure de surfeur fatigué qui n’aurait pas vu la mer depuis longtemps, cet Australien atypique est l’une des rares superstars du design de ce nouveau siècle. Tout ce que Marc Newson invente est immédiatement adopté et contribue à peaufiner une image de surdoué à ce garçon de 35 ans, en fait simple, équilibré et très clair dans sa tête. Avec quand même un brin de folie qui lui vient de son Australie personnelle, assez hilarante. Une enfance où il évolue avec nonchalance, toujours avec son surf, entre les chaises de Joe Colombo et les tables de Saarinen, dans un hôtel de luxe assez surréaliste sur la grande barrière de corail. Où il apprend dans les années 80, la rigueur des cours d’horlogerie du Sydney College of Art, et où il s’énamoure de la précision et de la beauté des mécaniques. « Je sais monter et démonter aussi bien une montre qu’une voiture » affirme-t-il, et on s’en apercevra. Cette habileté diabolique agrémentée d’un goût certain pour l’objet en trois dimensions et pour le fuselage, forme prometteuse de vitesse, font bientôt la réussite de ses meubles posés par terre comme des bolides au repos, musclés, vitaminés, surdimensionnés. Madonna ne s’y est d’ailleurs pas trompée. Lorsque Newson sort sa chaise-longue en aluminium, Lockheed, entièrement martelée par lui-même, il séduit immédiatement Starck qui la met en bonne place dans son hôtel Paramont de New York, où Madonna la remarque immédiatement et l’utilise pour s’y prélasser lascivement dans son clip Rain. Mais Newson crée sans discontinuer du plus petit au plus grand. Des bouchons de lavabo en caoutchouc à l’ouvre-bouteilles pour Alessi, des verres trapus pour le Finlandais Iitala aux fauteuils futuristes et érotiques (comme la chaise Orgone, sorte de tuyau écrasé béant ou de prise électrique agrandie). Du jet privé vert acidulé pour milliardaire hollandais jusqu’à la toute récente voiture orange, genre Spirou années 60, vraiment toute ronde : la Ford 021C, que l’on a pu découvrir au Salon de l’Auto à Genève en mars. Tous les objets de Marc Newson font penser à des jouets.
Les lignes sont courbes, adoucies, sensuelles. Les formes sont fluides, planantes. Les couleurs décoiffent, vives, pétillantes, pop. Ses influences culturelles viennent de partout. Avant de vivre à Londres, Marc Newson a été un globe-trotter passionnément curieux. Il va assez souvent à Tokyo où il rencontre Kurosaki qui lui met le pied à l’étrier et le fait travailler pour Idée. Il y fait des lampes et le Pod Bar dans l’esprit Kubrick de 2001, Odyssée de l’espace. L’Italie s’intéresse à lui. Flos, Capellini ou Magis se l’arrachent. Il quitte Tokyo, trop trépidante, pour Paris en 1992. Il y continue sa vie frénétique de jeune hype branché, défile pour Yamamoto ou Comme des Garçons, et lorsque Shiseido le paye pour son flacon de parfum Basala, il s’achète son rêve de toujours : une Aston Martin ! Il étouffe dans un Paris pour lui trop étriqué et surtout bureaucratique, mais il envahit néanmoins en 1995 l’espace de la Fondation Cartier avec sa constellation de Bucky, ces petites chaises en forme de molécules de toutes les couleurs, assemblées pour former une sorte de géode à la Buckminster Fuller. Il crée aussi pour les Trois Suisses l’incroyable Gello Table, sorte de faux bonbon en faux papier découpé gélatineux...
Puis il part s’installer à Londres où la création tous azimuts lui convient mieux et où il se lie d’amitié avec exactement son contraire, le minimaliste tranquille Jasper Morrison. Il achète son premier appartement près de Paddington Station et explore avec un appétit accru pour l’expérimentation les possibilités nouvelles de la fibre de carbone, du polypropylène, du titane ultraléger. Quant à sa dernière marotte, il s’agirait d’un nouvel engin, le snowboarding...
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Les jouets de Marc Newson
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°515 du 1 avril 2000, avec le titre suivant : Les jouets de Marc Newson