La question l’amuse. « Posséder un objet fétiche ? Vous voulez rire ! » Guy Limone se méfie des attachements irrationnels : « J’essaie, au contraire, de me débarrasser au maximum des objets. Je cherche à me défaire de tout ce qui est encombrant », déclare-t-il en préambule.
Mais d’ajouter aussitôt : « J’avoue entretenir un rapport privilégié avec les petites figurines en plastique blanc, à peindre, qu’on trouve en paquet dans le commerce. Je les ai découvertes en 1985, à Aix-en-Provence, lorsque j’étais étudiant aux Beaux-Arts.
Ça ressemble à des jouets sans en être. Les architectes s’en servent pour animer leurs maquettes. » Ces figurines miniatures, qui ont l’avantage de présenter différents types sociaux, différents métiers, différentes attitudes, sont devenues l’alpha et l’oméga de son œuvre. Il les utilise, par exemple, pour composer les longues guirlandes de la série Statistiques qu’il développe depuis près de vingt-cinq ans. Empilées les unes sur les autres, elles illustrent l’aspect déshumanisant des sondages. Elles ont pour titre : « 18,8 % des Grecs sont obèses », « En octobre 2012, on estime à 2,3 milliards le nombre d’internautes dans le monde, soit un tiers de la population », ou encore « En 2010, un être humain sur cinq n’a pas accès à l’eau potable ». Il les colle, également, perpendiculairement, à même les murs ou sur une toile unie. « Pour moi, poursuit-il, la figurine est avant tout un objet ready-made. Je la peins, soit de manière unicolore, soit de manière hyperréaliste. » Limone voit le monde à l’échelle de la figurine : quand elle n’est pas présente en tant que telle, elle sert de mesure étalon aux tableaux qu’il compose à partir de petites images, tels des pixels. Une autre manière d’évoquer l’idée d’échantillonnage. Il précise : « Quand j’ai eu fini mes études, je suis venu habiter à Marseille. Et cette ville m’a fait prendre conscience de ce qu’est la foule, de n’être qu’un parmi d’autres ! » Retour à l’enfance et à cette capacité à se croire le maître du monde : « Gamin, je possédais une collection de cow-boys et d’Indiens. J’imaginais plein de scénarios. Mon lit devenait une montagne infranchissable, mon tapis un océan houleux, les pieds de ma table une forêt inquiétante. Un enfant prend tout cela très au sérieux et donne à ses visions une portée existentielle, même s’il peut tout démolir en un instant. » Limone cultive aussi la mobilité comme liberté absolue : « Petit, je voyageais avec toutes mes figurines que je mettais dans des boîtes facilement transportables. Aujourd’hui, je réalise des expositions pour lesquelles je peux tout acheter sur place, sauf, bien sûr, mes figurines peintes et mes photos. J’ai très tôt pris l’habitude de produire léger ! » À ceci près que la dernière pièce qu’il vient de réaliser à la demande du commissaire Alain-Julien Laferrière pour le siège social de la Société foncière lyonnaise, à Paris, déroge à la règle. Soit un long et étroit caisson lumineux de 137 mètres de long sur 7 cm de hauteur courant au milieu des murs du rez-de-chaussée de l’immense bâtiment. Une fresque à découvrir en marchant et qui propose de subtils changements de couleur : « Il faut faire vingt mètres pour passer d’une ambiance bleue à une ambiance verte, et ainsi de suite. C’est une pièce qui ne se découvre pas d’un simple coup d’œil : de loin on voit des couleurs, de près, si on a le nez dessus, on découvre des images montrant des gens dans différentes villes du monde. Au fond, c’est l’inverse de la façon dont on regarde la peinture. Il faut s’approcher au maximum pour appréhender le sujet. » Renverser les habitudes pour y voir plus clair ?
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Les figurines de Guy Limone
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Le Lieu unique, 2, rue de la Biscuiterie, Nantes (44), jusqu’au 17 mai 2015.
www.lelieuunique.com
« One Way : Peter Marino »
Exposition collective au Bass Museum of Art, Miami (États-Unis), jusqu’au 29 mars 2015.
www.bassmuseum.org
Guy Limone est représenté par la Galerie Emmanuel Perrotin.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°678 du 1 avril 2015, avec le titre suivant : Les figurines de Guy Limone