Revaloriser ses collections et les enrichir par des acquisitions hors des records du marché sont deux des enjeux des musées.
En créant de nouveaux discours et en réactualisant leurs parcours, les musées réinvestissent leurs collections, domaine qu’ils avaient délaissé au profit des manifestations temporaires. Alors que les budgets d’exposition explosent et que le rythme des prêts s’intensifie – les œuvres majeures constituant de plus en plus une monnaie d’échange entre institutions –, mieux valoriser son fonds est aujourd’hui devenu un enjeu incontournable. Car dynamiser sa collection, l’activer, permet notamment de sortir du culte des chefs-d’œuvre ; en promouvant des artistes longtemps restés en réserve et en revalorisant les départements les moins riches. Cette démarche nourrit notamment les réaccrochages transversaux, à l’image du nouveau circuit du Rijksmuseum. Musée mondialement connu pour ses icônes du Siècle d’or, mais dont certains départements, comme ceux du Moyen Âge ou du XIXe siècle, affichent d’importantes lacunes. Lacunes que la présentation décloisonnée permet d’atténuer.
Créer l’événement
Dans les musées constitués essentiellement de donations, par définition lacunaires, à l’instar du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, cette valorisation se traduit, entre autres, par des partis pris affirmés, visant à transcender ses « faiblesses » en forces. Possédant peu d’œuvres américaines, l’institution mise ainsi sur son fonds européen, mettant en exergue la richesse de certains secteurs, dont la peinture allemande. Une singularité revendiquée dans le parcours actuel, qui pourrait évoluer d’ici à deux ans car, comme le souligne son directeur Fabrice Hergott, « l’accrochage s’use avec les prêts et l’habitude ; le repenser, c’est aussi une manière de rafraîchir le musée, d’apporter une certaine énergie, qui éveille la curiosité du public ». Car renouveler son accrochage est aussi un levier événementiel pour susciter et entretenir l’intérêt du public. Un potentiel événementiel décuplé lorsque cette proposition est polémique ; l’accrochage « elles@centrepompidou » au MNAM, dédié exclusivement aux femmes, avait suscité la controverse, polémique qui a participé à son succès. Face à l’engouement public, la manifestation a été prolongée et a attiré plus de 2,5 millions de visiteurs en un an et demi. Preuve que la stratégie des réaccrochages thématiques et fréquemment renouvelés peut être payante ; le musée a d’ailleurs vu la fréquentation de ses collections augmenter de 45 % entre 2006 et 2012.
Des structures plus modestes font aussi le pari de l’événementiel, à l’image du Musée des beaux-arts de Rouen. Depuis 2012, il mène une opération visant à attirer l’attention sur ses collections, en émaillant son parcours d’une série de manifestations temporaires, façonnées à partir de son fonds. « Notre objectif est d’inciter notre public à venir et à revenir au musée, en dehors des grandes expositions », explique son directeur Sylvain Amic. La première édition a attiré 57 362 visiteurs et a rencontré un fort écho local ; un bilan encourageant pour son directeur qui observe que « la fréquentation a légèrement augmenté, mais surtout, contrairement aux années précédentes, la saison creuse (sans grande exposition temporaire) s’est fait nettement moins ressentir ».
Un enjeu financier
La réflexion sur les collections, qui se manifeste également par l’ouverture à des territoires traditionnellement peu représentés dans les musées occidentaux, répond aussi à des impératifs financiers. Alors que l’acquisition d’œuvres d’artistes phares est très difficile à cause de la baisse générale des crédits ; les musées s’intéressent de plus en plus à des scènes autrefois absentes de leurs cimaises. « L’idée est d’aller là où le marché ne va pas encore, de créer la surprise », explique Catherine Grenier, directrice adjointe du MNAM, musée qui, au cours de la dernière décennie, a mené une campagne d’acquisition à destination d’artistes d’Europe centrale et orientale qui constituaient encore une niche. Défricher donc, mais aussi placer le curseur sur des scènes où les musées sont susceptibles d’être soutenus par des collectionneurs et mécènes étrangers, désireux de mieux faire connaître les artistes de leur pays. Grâce à cette dynamique, le MNAM a ainsi fortement développé sa collection latino-américaine, tandis que le Louvre a fait de l’art américain un axe majeur d’enrichissement, une politique rendue possible par l’appui de mécènes et de partenaires américains.
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Les enjeux des nouveaux accrochages des musées
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Abonnez-vous dès 1 €Musée des beaux-arts de Rouen (76). Ouvert tous les jours sauf le mardi de 10 h à 18 h. Tarifs : 5 et 3 €. www.rouen-musees.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°663 du 1 décembre 2013, avec le titre suivant : Les enjeux des nouveaux accrochages des musées