L’année a été particulièrement riche en records pour les maisons de ventes françaises. Notre sélection des résultats les plus remarquables.
Le masque Vérité
Masque ngil, Fang, Gabon, en bois peint au kaolin, 48 cm, collection Vérité, adjugé 5,9 millions d’euros le 17 juin à Drouot, SVV Enchères Rive Gauche (record mondial pour un objet d’art primitif et plus haute enchère en France en 2006)
Objet iconique de la collection Vérité, ce masque ngil des Fang du Gabon, exposé et publié à maintes reprises, fait partie des objets d’art primitif les plus rares et les plus convoités au monde. Parce que leur plastique confine à l’universel, les masques ngil ont eu une influence sur l’art du XXe siècle, en premier lieu sur Picasso. « Au sein d’un corpus de masques ngil, authentiques et anciens répertoriés, environ dix exemplaires de grande dimension comme celui-ci, le masque Vérité domine par la perfection de ses volumes, de son ornementation et de sa patine », précise la notice du catalogue. Selon les experts, il est vraisemblable qu’il ait été sculpté au XIXe siècle. Il est aussi probable que son acquéreur le destine un jour au Musée du quai Branly, à Paris.
Venise vue
Venise, Vue du Grand Canal vers le pont du Rialto, Francesco Guardi, vers 1764, huile sur toile,
73,5 x 121 cm, adjugée 2 872 255 euros, le 22 juin à Paris chez Tajan
Ce tableau magistral, peint vers 1764, période où le peintre est au sommet de sa virtuosité, a été enlevé à son estimation haute chez Tajan par le marchand londonien Jean-Luc Baroni. Sa provenance, une collection particulière française, ses dimensions et son extrême rareté ont créé l’événement. « L’adoption du grand angle permet d’offrir un aperçu spectaculaire du Grand Canal, souligne l’expert Éric Turquin. Mais ce qui le rendait particulièrement attrayant est la présence renforcée de l’eau et du ciel : la perspective se place d’un point de vue très abaissé. Le regard du spectateur se trouve au fil de l’eau, créant avec le palais Grimani, visible dans toute sa hauteur, une vaste ouverture sur le ciel qui occupe les trois quarts de l’espace. »
Audacieuse Sally
Salut Sally, Joan Mitchell, huile sur toile, 1970, 260 x 195 cm, collection Jean Fournier et Jean-Marie Bonnet, adjugée 2 586 000 euros le 28 octobre à Paris chez Artcurial (record mondial pour l’artiste)
« La place de Paris a une capacité de mobilisation formidable et un dynamisme incroyable », note l’expert d’Artcurial Martin Guesnet. À 1,5 million d’euros (son estimation haute), quatre enchérisseurs étaient encore en lice pour Salut Sally. Cette peinture où l’artiste rompt avec son travail des années 1960, dans les matières, les couleurs ainsi qu’au travers de ses grandes verticalités et de ses champs balayés, affiche une provenance et un pedigree remarquables. Elle a figuré dans toutes les grandes rétrospectives de l’artiste. Le prix, poussé par un amateur européen, est audacieux, battant le précédent record de 2 696 000 millions de dollars (2 millions d’euros) atteint par King of Spades, une toile de 1956, le 9 novembre 2004 chez Sotheby’s à New York.
Fruits de la passion
Traité des arbres fruitiers, Poiteau et Turpin, 1806-1809, livre en 5 volumes grand format (50,8 x 33,2 cm) contenant l’ensemble des 421 aquarelles originales sur vélin, reliés par Gruel, adjugé 3,36 millions d’euros, le 7 décembre à Bruxelles chez Pierre Bergé & associés
Considéré comme l’un des plus beaux livres de pomologie, ce Traité des arbres fruitiers provenant d’une collection privée européenne est désormais l’un des dix livres les plus chers au monde. Les 421 aquarelles originales sur vélin qui ont servi à l’illustrer comptent parmi les chefs-d’œuvre de l’art botanique, « juste au-dessous des dessins du célèbre Redouté », selon l’expert Patrick de Bayser. Il constituait l’unique lot d’un catalogue de bibliophilie. Il a été vendu à Bruxelles à la Salle des Beaux-Arts, appartenant à la maison de ventes de Pierre Bergé & associés (PBA), ce à l’occasion du lancement dans la capitale belge du Salon international de la bibliophilie, également à l’initiative de PBA. Ce joyau de la bibliophilie, adjugé entier et complet à un amateur européen francophone au téléphone, ne sera pas « cassé » par son nouveau propriétaire.
Soulages calligraphique
Composition, Pierre Soulages, 1959, huile sur toile, 162 x 130 cm, adjugée 1 199 200 euros, le 6 juillet à Paris chez Sotheby’s (record mondial pour l’artiste)
Depuis les années 1990, les prix pour les grands formats de Soulages réalisés dans les années 1950-1960 atteignent jusqu’à 400 000 euros. Un premier record est battu le 25 juin pour une peinture datée du 5 juin 1962, de 97 x 130 cm, vendue 490 996 euros à Versailles (SVV Versailles Enchères). Le 6 juillet à Paris chez Sotheby’s, une composition de 1959 présentée en couverture du catalogue de vente, estimée 300 000-400 000 euros, s’envole à 1,2 million d’euros. Dix-sept enchérisseurs voulaient ce tableau de belles dimensions, d’une période recherchée et présentant une lumière unique dans une palette de couleurs jaune, ivoire, gris beige. Sa composition aux allures d’écriture calligraphique n’a pas manqué d’attirer des amateurs asiatiques. In fine, un collectionneur français l’a emporté contre un américain. Confirmant la tendance, le 13 décembre à Paris, toujours chez Sotheby’s, une composition de 1955 de plus petit format a été adjugée 695 200 euros, le deuxième prix pour Soulages.
D’autres prix spectaculaires…
Un florilège de meubles Art déco signés Rateau, issus de la collection Dray (lire p. 19), aura marqué la saison chez Christie’s avec, en tête, une paire de jardinières acquise pour 4,1 millions d’euros. Une table basse de Pierre Legrain a atteint le record de 1,49 million d’euros à Drouot (SVV Camard). Pour les tableaux modernes, Jeune fille aux anémones, de Matisse, a été adjugé 5,16 millions d’euros chez Christie’s, tandis que Homard et chat sur la plage, de Picasso, a été emporté pour 4,33 millions d’euros à Drouot (SVV Aguttes). L’art asiatique a fait des étincelles à Drouot à l’instar d’une jarre de type Guan et d’un grand vase piriforme, d’époque Yuan, achetés pour 4,16 et 2 millions d’euros par le marchand londonien Giuseppe Eskenazi (SVV Doutrebente et SVV Baron Ribeyre & associés). Enfin la photographie aura eu un écho international grâce à la vente de la succession Brassaï où le cliché Pavés (1931) a décroché l’enchère record de 103 300 euros (SVV Millon) tandis qu’une Étude de mouvement de Rudolf Koppitz s’envolait à 159 540 euros (SVV Piasa) et que Lella, d’Édouard Boubat, partait à 76 500 euros.
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Les enchères qui ont marqué 2006
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°251 du 19 janvier 2007, avec le titre suivant : Les enchères qui ont marqué 2006