Polyvalents, les nouveaux conservateurs doivent faire face à leurs missions traditionnelles avec des moyens encore limités. Mais l’immensité des collections est un enjeu enthousiasmant.
L’extraordinaire mutation en cours des musées expose en première ligne leurs conservateurs-directeurs. Véritables hommes (ou femmes) orchestres, ils doivent aujourd’hui organiser des expositions, administrer leur établissement et personnel, rendre des comptes à la tutelle, promouvoir leurs réalisations. Au point de ne plus pouvoir se consacrer autant qu’ils le souhaiteraient à leur premier métier : la conservation des œuvres.
La situation est particulièrement critique pour les musées de taille moyenne où les conservateurs disposent d’une équipe réduite. C’est ici que le clivage Paris/province est le plus éloquent : les 15 grands musées de la capitale disposent de 35 % des 1 035 conservateurs en titre.
Un chiffre donne à lui seul la mesure du problème. Seuls 40 % des musées ont indiqué avoir réalisé un récolement des collections. Il s’agit de contrôler physiquement l’existence d’une œuvre inscrite à l’inventaire. Autant dire que l’exactitude desdits inventaires est toute relative. D’ailleurs la moitié des établissements recensent encore leur collection à l’aide d’un papier et d’un crayon.
Il est donc plus que probable que bien des pièces ne soient plus localisables. Au mieux, elles sont détenues par une administration quelconque (mairie, préfecture) qui les a empruntées, au pire elles ont disparu totalement. N’oublions pas que la moitié des musées ont été créés avant la guerre, et près d’une centaine au xixe siècle.
Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que l’on ne voie pas encore la fin du travail de documentation des œuvres, si tant est qu’il y ait une fin. 17 % des œuvres sont photographiées numériquement alors que 39 % disposent d’un dossier. Et moins de la moitié des musées ont édité un catalogue des collections.
Seuls 4 % des œuvres sont exposées
Outre le manque d’effectifs, le problème réside en grande partie dans l’immensité des collections en réserve. Notre enquête révèle, sans doute pour la première fois, l’étendue des collections publiques : plus de 12 millions de pièces. Une grande partie de ce volume est constituée d’objets divers ou archéologiques. Mais il y a quand même près de 287 000 peintures et 135 000 sculptures. Si au total 4 % des œuvres sont exposés, ce taux monte à 13 % pour les peintures.
Sans apporter un argument définitif dans le débat sur l’inépuisabilité des collections, débat qui a resurgi lors du projet de prêt d’œuvres pour le Louvre d’Abou Dhabi, ces chiffres indiquent que les réserves sont pour le moins consistantes. Les pièces méritent-elles toutes d’être exposées ? Sans doute pas, mais qui peut dire que ce qui n’est pas digne d’intérêt aujourd’hui ne le sera pas demain ?
Un fait est, lui, indiscutable : certaines œuvres ne sont pas exposées parce que leur état ne le permet pas. C’est ici que les programmes de restauration des pièces prennent toute leur dimension. Par mécénat (de plus en plus important) ou sur fonds propres, les musées ont dépensé 9,3 millions d’euros en 2006, pour nettoyer des sculptures, restaurer des toiles, réparer des cadres. Une augmentation de 10 % par rapport à l’an dernier, ce qui traduit bien l’intérêt de l’opération.
Dans le même temps, les musées ont augmenté leur collection pour un montant de 60 millions d’euros, dont 65 % par dons, legs, mécénats. Une somme à la fois importante en regard des 200 millions d’euros de recettes commerciales, mais faible pour acheter des œuvres phares. Ainsi, en mai dernier une seule toile d’Andy Warhol a été vendue 55 millions d’euros à New York. Décidément, le métier de conservateur n’est pas une sinécure.
Le Journal des Arts Numéro 260, du 25 mai au 7 juin 2007, 5 € frais de port. Le Journal des Arts du 25 mai publie le palmarès complet ainsi que de multiples classements thématiques. L’enquête est accompagnée de nombreuses analyses réalisées par les journalistes spécialisés du JDA ainsi que plusieurs commentaires par les conservateurs eux-mêmes. Un numéro de référence à conserver pour suivre d’année en année la situation muséale. Cette édition peut être commandée sur le site www.artclair.com
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Les douze travaux des conservateurs
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Abonnez-vous dès 1 €Réalisée pour la quatrième année consécutive avec Le Journal des Arts, l’enquête a été effectuée de fin février à avril 2007, par questionnaires adressés à 1”‰156 musées (musées des Beaux-Arts, d’Archéologie, d’Art et Métiers, d’Ethnographie). Parmi ces institutions, 400 ont répondu. Compte tenu des 34 musées fermés, il y a 366 classés contre 295 l’année dernière. Outre le palmarès général qui croise tous les critères, l’enquête comporte 3 classements thématiques”‰: accueil du public”‰; attrait-dynamisme”‰; conservation. Les informations non communiquées n’ont pu être prises en compte et affectent la notation globale. Certains musées n’ont pas pu ou n’ont pas voulu répondre au questionnaire et se trouvent par conséquent absents du palmarès. Les résultats reposent sur 69 critères d’évaluation, auxquels ont été attribués un coefficient de 1 à 3. Les réponses oui/non sont notées de 0 à 15 points selon leur importance. Les questions quantitatives sont notées de 1 à 15, selon la méthode des pentiles, ce qui permet de rééquilibrer le rapport entre grandes et petites structures.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°593 du 1 juillet 2007, avec le titre suivant : Les douze travaux des conservateurs