Pivots de la diffusion de l’art contemporain en région, les conseillers pour les arts plastiques sont aussi sollicités que décriés. Chargés d’évaluer les projets artistiques comme d’assurer le respect des règles administratives, ils sont progressivement absorbés par la lourdeur du fonctionnement du ministère de la Culture. Un sujet d’étude pour la commission présidée par Jacques Rigaud, récemment chargée \"de redéfinir les missions et les méthodes\" dudit ministère.
PARIS - "Notre travail est très varié et exige une grande polyvalence. Nous passons d’un rendez-vous avec un artiste au contrôle des comptes d’une association. Nous alternons entre la mise en place d’une réunion pour une commande publique et l’organisation d’un jury d’école d’art", constate Alain Rérat, conseiller en Lorraine. Les tâches des conseillers pour les arts plastiques sont en effet multiples. Chargés "d’évaluer la qualité", ils analysent les propositions des artistes, celles des associations et des collectivités locales.
"Nous avons donc un rôle prospectif", déclare Joël Savary, conseiller en Aquitaine. Mais cela ne veut dire en aucun cas que les règles d’appréciation sont univoques : "Il y a une grande variété de situations. Il faut savoir faire parler toutes les voix, même celles qui ne vous convainquent pas personnellement", précise Jacqueline Blanc, conseiller en Pays de Loire.
Cependant, les conseillers apparaissent souvent comme des fonctionnaires inaccessibles. "C’est complètement faux, nous passons notre vie sur le terrain. En tout cas, pour ma part, c’est ainsi que je conçois mon travail", se défend Jacqueline Blanc. "Il est vrai que nous sommes extrêmement sollicités, ajoute Corinne Le Neun, conseiller en Rhône-Alpes. Il faut être très attentif à ce travail de relations, surtout en cas de réponse négative de notre part".
Accroissement des tâches administratives
La décentralisation, ou plus exactement la déconcentration d’activités auparavant gérées par la Délégation aux arts plastiques, a considérablement alourdi la tâche des conseillers. "Nous sommes ensevelis sous des problèmes purement matériels de paperasserie. Car nous avons plus de travail et aucun poste supplémentaire n’a été créé", se plaint Jean-Yves Bainier, conseiller en Alsace. En Rhône-Alpes, après avoir épuisé les possibilités offertes par la présence d’un objecteur de conscience, le service est au bord de la paralysie, faute d’un secrétariat suffisamment étoffé. "Pour les jurys d’écoles des beaux-arts, nous avions un service parisien qui réglait les questions de transport des membres. Aujourd’hui je dois faire moi-même les bordereaux de transport", se désole Joël Savary. Une bien curieuse façon pour le ministère de la Culture d’optimiser ses ressources en personnel.
De plus, la déconcentration a provoqué une sorte "d’élargissement de fait des compétences, notamment pour le suivi administratif et financier des associations", remarque Marie-Claude Jeune, conseiller en Rhône-Alpes. Or,"on recrute principalement les conseillers sur leurs capacités d’expertise artistique et non sur leurs compétences en comptabilité", note Jacqueline Blanc. Ainsi, les dérives des associations de gestion de quelques centres d’art n’ont pas pu être prévenues à temps, et les conseillers pour les arts plastiques en sont parfois, à leur corps défendant, rendus responsables.
La commission Rigaud, chargée d’une "refondation" des missions du ministère, arrive à point nommé. Car l’inquiétant processus d’asphyxie par engorgement démontre l’urgence d’une remise à plat du fonctionnement d’une administration qui, après une forte croissance entre 1982 et 1985, se trouve peu à peu paralysée.
Autorité intacte
Cependant, le conseiller pour les arts plastiques demeure un interlocuteur recherché, et son autorité professionnelle est peu contestée. Tel galeriste spécialisé en photographie se plaint de son absence à son vernissage, tel responsable de Centre d’art s’étonne, lui, des difficultés qu’il a à le joindre.
Expert reconnu, ses décisions ont une capacité d’entraînement inégalée. Alors que les villes et les autres collectivités locales ont rarement un spécialiste en arts plastiques, le conseiller fait figure de référence en région. Évidemment, les accusations d’un soutien à un art trop sophistiqué ne manquent pas. Toutefois, l’élu qui veut développer un espace d’exposition ou une artothèque se passe rarement de ses services.
Les conseillers pour les arts plastiques ont été nommés dans chaque région à partir de 1982, et l’on en compte aujourd’hui 27. Pionniers d’un processus de professionnalisation à l’œuvre depuis une dizaine d’années parmi les acteurs de l’art contemporain, ils sont recrutés par un jury composé notamment de représentants de la Délégation aux arts plastiques et du directeur régional des Affaires culturelles, et placés sous l’autorité de ce dernier. Contractuels nommés pour trois ans renouvelables, leurs salaires oscillent entre 12 et 15 000 francs. Pour la plupart diplômés en lettres ou en histoire de l’art, ils ont souvent eu une expérience sur le terrain, gestion d’un centre d’art ou d’une association de promotion de l’art contemporain.
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Les conseillers pour les arts plastiques peu à peu asphyxiés
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°25 du 1 mai 1996, avec le titre suivant : Les conseillers pour les arts plastiques peu à peu asphyxiés