La section Art Statements, inaugurée en 1996, est réservée chaque année à un ensemble de projets spécifiques de jeunes artistes réalisés pour la Foire de Bâle. Ce secteur, subventionné par la société d’assurance La Bâloise qui y décerne également des prix, réunit pour cette édition seize artistes. Visite guidée.
Faire un rêve
Le travail récent de Ross Sinclair (*1966, Grande-Bretagne) est développé autour de St. Kilda, une petite île qui a été évacuée au début du siècle, ses habitants ne pouvant plus trouver de quoi se nourrir. L’artiste songe alors à fonder une nouvelle république de St. Kilda. Ce projet l’a conduit à des propositions fantasmatiques comme l’idée de transférer cette île dans le centre de Londres. Cette réflexion lui permet aussi de développer de nouveaux axes critiques vis-à-vis des valeurs et des faits de notre vie quotidienne. Sur St. Kilda devraient ainsi être mis en pratique tous les propos alternatifs conduisant à ce que l’artiste appelle la “Real Life”.
The Agency, Contemporary Art. Ltd, Londres (Grande-Bretagne)
Faire du charme
Le monde qu’Annika Larsson (*1972, Suède) nous présente dans ses films vidéo, semble en tout point parfait. Des hommes – très bien habillés – exécutent des mouvements pleinement contrôlés. Ils fument des cigares, jouent au tennis devant un miroir, se tuent avec des pistolets. Cependant, même s’il se passe quelque chose, ces œuvres ne racontent pas vraiment d’histoire. Les hommes ne semblent d’ailleurs jamais avoir de raison de faire ce qu’ils font, si ce n’est une apparente volonté de séduction. Ils ne parlent pas et la musique donne à l’ensemble un air de vidéo-clip. Pour son nouveau travail, DOG, l’artiste a développé le même type de scènes en trois dimensions.
Galleri Andréhn-Schiptjenko, Stockholm (Suède)
Faire et défaire
Tout ce qui se décompose, qui pourrit, qui se défait gentiment est, depuis plusieurs dizaines d’années, au cœur du travail de nombreux artistes. Pensons seulement aux portraits en chocolat de Dieter Roth, qui moisissent toujours dans son atelier près du Musée d’art contemporain de Bâle. Michel Blazy (*1966, Monaco) semble partager cet intérêt pour l’apparence fragile et le changement permanent des choses en décomposition. Pour son Mur qui pèle, par exemple, il a réalisé une fresque avec de la purée de carottes et de pommes de terre. Des champignons sont d’abord arrivés, puis la pâte a commencé à s’enlever du mur. C’était agréable à voir, et à sentir...
Art:Concept, Paris (France)
Faire du spectacle
La vie urbaine est excitante pour ceux qui préfèrent rester célibataire, jouir de choix multiples, et se livrer à leurs envies. Mais la tristesse gagne parfois lorsque l’on est seul. Il faut alors partir à la chasse aux contacts sociaux, il faut se montrer, bien jouer son rôle, se donner en spectacle pour convaincre… C’est précisément autour de cette réalité de la génération X que se développe le travail d’Otto Berchem (*1967, États-Unis). Dernièrement, il a proposé dans un espace d’art The Dating Market, un supermarché d’un type nouveau, puisque les “consommateurs” étaient invités à draguer ou à se faire draguer, des tomates ou des bocaux de pois chiches à la main.
Ellen de Bruijne PROJECTS, Amsterdam (Pays Bas)
Faire du Pop
Les films vidéo d’Annika Ström (*1964, Suède) traitent des préoccupations et des banalités de sa propre vie d’artiste. On la voit avec ses amis, rendre visite à sa mère, avec sa caméra, en train de peindre, ou de se promener dans les rues. Tout ceci ressemble au journal d’une jeune fille bien éduquée réalisé dans un style de “home-movie”. Les paroles des chansons pop qui accompagnent les images – que l’artiste chante elle-même –, sèment cependant le doute sur cette idyllique vie calme et ennuyeusement créative : “Que pensez-vous de mon art ?”, “Que pense-t-elle de mon art ?”, “Pourquoi ne me dites-vous pas que vous n’aimez pas mon art ?”
c/o - Atle Gerhardsen, Berlin (Allemagne)
Faire de l’art
Tous les travaux de Hans Schabus (*1970, Autriche) ont une chose en commun : ils parlent toujours des conditions et des situations dans lesquelles se réalise une œuvre artistique. Souvent même, ses films, photographies ou plans apparaissent d’abord comme les documents d’un processus artistique. Le visiteur, en revanche, cherche en vain l’œuvre qui en serait le résultat. Ce travail questionne ainsi la frontière entre ce qui se passe dans la réalité, des choses que l’on réalise de façon banale, et ce que nous considérons comme un acte artistique. Peut-être, finalement, n’existe-t-il pas de frontière nette entre ces deux attitudes ?
Kerstin Engholm Galerie, Vienne (Autriche)
Faire de l’argent
Lors de l’exposition “South Meets West”, à la Kunsthalle de Berne, Meschac Gaba (*1961, Bénin) avait installé un Museum Shop (boutique de musée), où les visiteurs avaient la possibilité d’acheter du petit bricolage, des peintures bien colorées, des os, des boîtes, des dessins, mais aussi des tee-shirts faisant de la publicité pour un “Musée d’art contemporain africain à Berne”, qui, bien sûr, n’existe pas. Dans un même jeu subtil entre fiction et réalité, Meschac Gaba présente dans le cadre des “Statements” un travail intitulé Die Wechselstube. Non sans ironie, il y met à nouveau en question les fonctionnements du marché de l’art occidental.
Gebauer, Berlin (Allemagne)
Faire l’original non original
De plus en plus de jeunes artistes recommencent à peindre, et recherchent la matérialité de la couleur ou du dessin. Amy Adler (*1966, États-Unis) va dans la direction opposée. Elle part d’un dessin au pastel inspiré d’un motif trouvé dans un journal, dans une vidéo, ou sur la couverture d’un disque. Elle en prend ensuite une photographie et une fois celle-ci développée, elle détruit le pastel. Elle réintroduit ensuite la singularité du dessin en produisant à un seul exemplaire cette image en grandes dimensions. Ainsi, elle nous confronte, une fois de plus, aux problèmes liés à la question de l’original.
Casey Kaplan, New York (États-Unis)
Faire du jardinage
Les installations sculpturales de Lara Schnitger (*1969, Pays-Bas) ressemblent souvent à des jardins, dans lesquels les fleurs, les herbes et les buissons sont issus de notre culture picturale. Elle utilise des photographies, des dessins, des matériaux comme de l’étoffe, du bois et de la mousse pour leur donner des formes tour à tour ornementales et figuratives. Elle bâtit en général ses installations autour d’un petit élément central qui en assure le fragile équilibre. En partant de ce point, le spectateur-flâneur doit se frayer son chemin pour en dégager sa propre lecture.
Anton Kern Gallery, New York (États-Unis)
Faire de la résistance
Andrea Bowers (*1965, États-Unis) veut concevoir de l’art à dimension humaine. Mais où mesurer l’humain dans une société qui vit surtout par le spectacle et où les identités sont en grande partie formatées par des modèles culturels ? L’artiste déniche cependant notre individualité à travers nos petites résistances vis-à-vis de ces modèles imposés. Ainsi, jugeant fragiles les relations entre l’artiste et son public, Bowers nous invite à réagir librement et émotionnellement à ce qu’elle nous présente. En regardant soit les traces de petites actions, soit des images filmées, nous sommes amenés à nous rendre compte de nos propres possibilités de résistance à ce que notre culture du spectacle nous impose.
Sara Meltzer Gallery, New York (États-Unis)
Faire fort en forêt
Avec quelques couvertures en feutre et trois petits sapins morts, Joseph Beuys a su évoquer en nous la neige qui tombe. Helen Mirra (*1970, États-Unis) active en nous d’une façon similaire les images que nous portons. Dans le cadre de son installation Beforsten, par exemple, elle a peint en vert les parois de la galerie et posé une ligne de peintures vert foncé sur les murs. Au sol, l’artiste a disposé des pantalons bleus, verts et marrons, tous pliés les uns contre les autres et ficelés ensemble afin de ressembler à un tronc d’arbre tombé. Grâce à ces modestes moyens, l’artiste réussit à évoquer en nous l’idée de la forêt.
Meyer Riegger Galerie, Karlsruhe (Allemagne)
Faire son histoire
À l’age de quatre ans, Jun Yang (*1975, Autriche) a quitté la Chine avec sa famille. Aujourd’hui, il vit et travaille à Vienne, même si ses parents sont retournés en Asie. Comment se constituer une identité dans ce contexte, entre l’Autriche proche et la Chine lointaine ? Le travail artistique de Jun Yang essaye de puiser dans ses propres souvenirs. Il se base sur les histoires que lui ont racontées ses parents, ses frères ou des Chinois qu’il a rencontrés en Europe. Il tente alors de concevoir une image de son pays de naissance à travers des films. Un voyage à la recherche de soi-même.
Raum Aktueller Kunst Martin Janda, Vienne (Autriche)
Faire jouer
Les rapports entre le monde des adultes et le jeu des enfants sont complexes. Depuis cinq ans, le travail de Shinako Sato (*1965, Japon) questionne justement ces relations. Dans le cadre de sa série Play House, elle construit une maison de jeux, dans laquelle des enfants imitent la “vraie vie”. Elle poursuit ainsi ses recherches sur les différents stéréotypes, tant au niveau des interactions sociales et que des identités sexuelles. Réalisant des images de maison de poupées, des peintures murales et du mobilier, elle laisse le spectateur se confronter à ses propres souvenirs d’enfance, ses rêves d’antan et sa réalité d’aujourd’hui.
Gallery Side 2, Tokyo (Japon)
Faire du réel en fiction
Les films de Slater Bradley (*1975, États-Unis) laissent perplexes. Parfois, certaines scènes tournées dans l’espace public semblent documentaires, enregistrant des actions qui se passent dans la vie réelle. Mais la perspective peut tout à coup changer et proposer une pure mise en scène. D’un côté, la caméra est quasiment cachée, de l’autre la séquence est objectivement jouée. L’artiste place alors au même niveau l’idée de documentaire et de fiction.
Team Gallery, New York (États-Unis)
Faire mieux
Comment faire pour améliorer la vie en ville ? Comment rendre le monde plus juste ? Comment faciliter notre communication avec les autres ? Et surtout : comment l’art peut-il changer les choses ? Andreas Siekmann (*1961, Allemagne) y songe depuis un certain temps. Ces dernières années, à côté de ses écrits théoriques, il a surtout réalisé des dessins et des films animés. Tout en se situant dans l’imaginaire, il dessine des modèles alternatifs à notre réalité sociale, des propositions qui oscillent entre analyse des faits et fictions politiques.
Galerie Barbara Weiss, Berlin (Allemagne)
Faire du cinéma
Le cinéma intéresse beaucoup les artistes ces derniers temps, et Gabriël Lester (*1972, Pays-Bas) ne fait pas exception. L’installation Editing Space, par exemple, conduit le spectateur dans un vrai salon, avec des meubles, des lampes, des bibliothèques et une télévision, un ensemble qui pourrait provenir du décor d’un film. Sans cesse, les diverses lampes, qui s’allument et qui s’éteignent, font apparaître ce salon sous des lumières différentes. Mais les flashs lumineux sont si courts que le visiteur n’arrive jamais à se faire une image suffisamment complète de cet espace. Cette scène banale devient mystérieuse, et le visiteur se construit alors ses propres petites histoires.
Galerie Fons Welters, Amsterdam (Pays-Bas)
Faire du dessin
Nic Hess (*1968, Suisse) est un dessinateur qui se soumet à de nombreuses restrictions. Premièrement, il ne dessine pas sur le papier mais sur les murs. Ensuite, la plupart de ses dessins ne sont réalisés ni au crayon ni au pinceau, mais exécutés à l’aide de différentes bandes adhésives. En partant de l’architecture, des murs, du sol, des coins, des tuyaux, il développe un monde imaginaire peuplé de métamorphoses. Des structures abstraites, rappelant des dessins techniques ou ornementaux, peuvent d’un seul coup se transformer en figure humaine ou animale.
Galerie Serge Ziegler, Zurich (Suisse).
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Les artistes des Statements dévoilent leur savoir-faire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°129 du 8 juin 2001, avec le titre suivant : Les artistes des Statements dévoilent leur savoir-faire