La profession estime que l’assimilation du diplôme national des métiers d’art à celui du design est inadapté à la réalité.
Paris. Depuis 2018, le diplôme national des métiers d’art et du design (DNMADe, bac + 3) a remplacé le diplôme des métiers d’art (bac + 2) afin de se fondre dans le schéma des études supérieures LMD (licence-master-doctorat). Professeur à l’École Boulle et ébéniste, Steven Leprizé se souvient de son inquiétude face à ce rapprochement avec les formations du design. Ni lui ni ses collègues n’ont été consultés. Non plus que les organisations professionnelles, comme le syndicat Ateliers d’Art de France. « Quand elle nous a été présentée, la réforme avait déjà été élaborée. Mais nous devions nous prononcer sur le projet et nous avons voté contre », explique sa présidente, Aude Tahon. Pour cette dernière, les enjeux de la formation aux métiers d’art se situent sur « l’apprentissage du savoir-faire, la maîtrise des techniques et une démarche de création qui n’est pas celle du design. Or avec le DNMADe, on assiste à une incompréhension totale de ce que sont les métiers d’art, liquidés par une pédagogie plus “adaptée” au design ».
Conséquence directe, une baisse drastique du nombre d’heures d’atelier hebdomadaires, passées de seize à six-huit. « Cela me révolte car bientôt on n’aura plus personne à recruter avec des bases solides », s’insurge Steven Leprizé, dénonçant une réforme qui vise plus à faire des économies qu’à bénéficier au secteur.« Cette nouvelle formation devait aussi répondre aux besoins des entreprises et du marché. Or on constate de gros écueils chez les premiers diplômés, renchérit Aude Tahon. L’apprentissage se poursuit dans les ateliers professionnels, mais il y a des prérequis à maîtriser, des outils dangereux à savoir manier. Il nous est impossible de tout compenser, surtout dans le contexte actuel. »
Le lien avec le monde professionnel semble d’autant plus distendu que la réforme « privilégie les professeurs agrégés par rapport aux gens du métier », selon Steven Leprizé. Une pétition circule d’ailleurs pour protester contre le non-renouvellement d’enseignants en métiers d’art de l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art. « La réforme a été trop rapide, mal coordonnée. Nous avons réclamé un bilan, des séances de travail pour arranger les choses. Mais cela fait des mois et il ne se passe rien », ajoute-t-il.
Dernièrement, les députés ont adressé une lettre ouverte à la ministre de l’Enseignement supérieur, restée sans réponse à ce jour. « On parle des métiers d’art comme d’une vitrine pour la France à l’international. Il faut être à la hauteur de ces ambitions et investir dans des formations dignes de ce nom », défend Aude Tahon. Celle-ci insiste sur la nécessité de disposer d’outils appropriés pour mesurer le poids économique du secteur, d’autant que se joue actuellement la réforme de la nomenclature d’activités (NACE/NAF) au niveau européen. « C’est un outil pour identifier les entreprises d’artisanat d’art, nécessaire pour flécher des politiques publiques cohérentes, avec une fiscalité et une réglementation adaptées à nos ateliers. » L’absence de codes clairement circonscrits a d’ailleurs compliqué l’accès au fonds de solidarité pour certains artisans d’art lors de la crise sanitaire.
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Les artisans d’art mécontents du nouveau diplôme
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°571 du 9 juillet 2021, avec le titre suivant : Les artisans d’art mécontents du nouveau diplôme