La Cour d’appel de Paris, annulant des décisions de première instance, a confirmé dans leur possession des acheteurs de bonne foi d’œuvres d’art, pourtant vendues dans des conditions irrégulières par deux commissaires-priseurs parisiens, Mes Francis Briest et Joël-Marie Millon.
PARIS - Accusé d’avoir détourné frauduleusement, entre mai 1987 et juin 1993, et mis en vente des œuvres d’art qui ne lui appartenaient pas, le galeriste Thierry Salvador a été reconnu coupable d’abus de confiance par un jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 31 octobre 1996. La Cour d’appel, dans un arrêt du 10 septembre 1997, est revenue sur deux décisions concernant la restitution d’œuvres d’art aux propriétaires d’origine. L’acquisition de bonne foi reste protégée, même si la vente est entachée d’irrégularités.
En mai 1991, Thierry Salvador remet une statue de César, La Ginette, à Me Francis Briest en guise de paiement d’un arriéré. Ce dernier la propose à un autre galeriste, Pascal Lansberg, en lui affirmant qu’il la vend pour son propre compte. Le galeriste accepte une transaction de 600 000 francs. Mais la facture qu’il reçoit est émise par la galerie de Thierry Salvador.
En première instance, le tribunal avait décidé que l’objet devait être rendu à son premier propriétaire, parce que “ce paiement en nature, effectué au profit de Me Briest dans le cadre d’un détournement de mandat, était nul, de nullité absolue – pour mémoire, la loi interdit aux commissaires-priseurs de vendre de gré à gré dans le cadre de leur ministère –, et que l’acquisition effectuée de gré à gré par la société CPL Fine Art (galerie de Pascal Lansberg) entachait de doute sa bonne foi”. La Cour d’appel en a décidé autrement en rendant La Ginette à Pascal Lansberg, “considérant que les conditions de remise de l’œuvre à Me Briest ne sont pas opposables à la société CPL Fine Art, quelles que soient les anomalies commises par Me Briest”, qui “n’a pas été poursuivi du chef de recel” pour avoir vendu de la marchandise d’“origine frauduleuse”.
Le jeu à la main chaude
Par ailleurs, en juillet 1990, Thierry Salvador avait confié une toile de Caillebotte, Le jeu à la main chaude, à Me Joël-Marie Millon (qui est aussi président de la Compagnie des commissaires-priseurs de Paris).
Avant de diriger la vacation, celui-ci présente son catalogue de vente à l’une de ses clientes habituelles – genevoise –, qui fait une offre à 2,8 millions de francs. C’est l’enchère la plus élevée de la vente publique. Mais le tableau n’ayant pas atteint son prix de réserve, fixé à 5 millions de francs par Thierry Salvador, il est retiré de la vente. L’histoire ne s’arrête pas là. Me Millon rappelle son acheteur suisse et son vendeur, et après discussion, la vente est conclue à l’amiable pour les 2,8 millions proposés par l’intéressée. Puis, le commissaire-priseur fait “figurer cette transaction sur le procès-verbal de vente publique”. Dans ce cas également, il a été décidé en première instance que l’acheteur ne pouvait conserver la toile, car elle a été acquise “dans des conditions anormales après que l’œuvre ait été retirée de la vente publique, ce alors que le procès-verbal dressé par Me Millon, commissaire-priseur, mentionne que la toile a été adjugée au cours de la vente publique”.
La Cour a infirmé la décision du tribunal et a ordonné la restitution de l’œuvre à l’acquéreur suisse, présumé de bonne foi. Celui-ci, selon l’arrêt, “a toujours assuré avoir ignoré le retrait de l’œuvre de la vente publique et le faux commis par le commissaire-priseur”. Dans son arrêt, la Cour souligne lourdement à plusieurs reprises les “anomalies” constatées dans les opérations réalisées par l’officier ministériel. Toutefois, celui-ci, pas plus que Me Briest, n’a été poursuivi.
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Les acquéreurs de bonne foi protégés
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°52 du 16 janvier 1998, avec le titre suivant : Les acquéreurs de bonne foi protégés