Zahi Hawass, secrétaire général du Conseil suprême des antiquités égyptiennes, vient d’annoncer l’interdiction de toute nouvelle mission archéologique étrangère en Haute-Égypte. Cette décision, qui favorise les archéologues égyptiens, vise à développer les fouilles en Basse-Égypte, dans la région du Delta.
LE CAIRE - Toute nouvelle mission archéologique étrangère le long de la vallée du Nil, du plateau de Gizeh à Abou Simbel, est désormais interdite. Telle est la décision annoncée par Zahi Hawass, le très controversé secrétaire général du Conseil suprême des antiquités égyptiennes (CSA). La grande majorité des 300 missions archéologiques étrangères étant actives le long des 1 200 kilomètres du Nil, ce décret représente un changement fondamental dans la politique des fouilles. Ainsi, pour les dix ans à venir, les permis autorisant de nouveaux chantiers ne seront délivrés que pour la région du Delta et pour les déserts de l’est et de l’ouest.
Zahi Hawass justifie cette décision dans son livre Secrets from the Sand (Secrets du sable, publié en anglais chez Thames & Hudson, 2003) : “En ce qui concerne les monuments déjà découverts [en Haute-Égypte], nous devons nous concentrer sur la préservation, la conservation, les inventaires, les publications et les plans de gestion des sites. Si nous n’agissons pas immédiatement, les monuments égyptiens seront perdus dans moins d’une centaine d’années.”
Le secrétaire général souhaite voir les équipes d’archéologues étrangères se concentrer sur la Basse-Égypte et dans le désert. “Il est urgent de fouiller le Delta à cause des menaces causées par l’accroissement des nappes phréatiques et le développement de l’agriculture ; si nous ne sauvons pas les monuments dans cette région, ils seront perdus à jamais.”
“De plus, les déserts de l’est et de l’ouest regorgent de sites pour la plupart inconnus.”
Malgré la logique des arguments de Zahi Hawass, nombre d’archéologues étrangers dénoncent l’inspiration nationaliste de cette décision, qui les éloigne de la région la plus fertile sur le plan archéologique – notamment les environs de Louxsor et la vallée des Rois. Ce nouveau règlement ne concernant exclusivement que les archéologues étrangers, il est vraisemblable que leurs homologues égyptiens poursuivront leurs travaux en Haute-Égypte. D’aucuns rappellent que la notoriété de Zahi Hawass s’est forgée autour de ses découvertes à Gizeh et près de Saqqarah.
Le secrétaire général a la triste réputation de tenir des discours que certains pourraient qualifier de xénophobes. Dans un article publié dans le quotidien cairote Al-Ahram, en date du 14 novembre 2002, il déclarait ainsi que certains archéologues étrangers “ travaillent de manière isolée, en agissant comme ils l’entendent, et malheureusement il y en a d’autres qui ont toujours pour priorité la chasse au trésor”. Le poste de secrétaire général du CSA, qu’il occupe depuis l’année dernière, lui donne une certaine autorité que les spécialistes étrangers préfèrent ne pas ouvertement remettre en question.
Les relations entre Zahi Hawass et l’ensemble des archéologues étrangers ne sont pas au beau fixe. Au mois de mai, le secrétaire général n’avait pas caché sa fureur lorsque le Musée égyptien de Berlin avait permis à deux artistes hongrois, le temps de la réalisation d’une vidéo, de placer le fameux buste de Néfertiti sur une statue moderne d’un nu en bronze.
En août, la spécialiste de la York University, Joann Fletcher, avait annoncé avoir probablement trouvé la momie de la reine Néfertiti. Zahi Hawass avait rejeté cette déclaration, en critiquant Fletcher : “En communiquant aux médias ce qui est considéré par la plupart des scientifiques comme une théorie fantaisiste, Fletcher a enfreint le règlement et, de ce fait, elle doit être interdite de travailler en Égypte jusqu’à ce que nous examinions la situation avec son université” (Al-Ahram Weekly, 18 septembre 2003). De nouvelles tensions étaient apparues lorsque Zahi Hawass avait publiquement appelé au retour en Égypte de la pierre de Rosette, aujourd’hui détenue par le British Museum, à Londres.
Outre les restrictions sur les nouvelles fouilles en Haute-Égypte, deux autres règles, moins controversées, ont été introduites. Les rapports finaux sur les excavations doivent désormais être publiés dans les cinq ans qui suivent la fin des fouilles, et toute relation entre les membres des missions archéologiques et les marchands d’objets d’arts volés est strictement prohibée. Ce règlement sera appliqué par le nouveau département des missions archéologiques étrangères.
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L’Egypte dirige les fouilles
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°179 du 24 octobre 2003, avec le titre suivant : L’Egypte dirige les fouilles