Beaubourg et Le Grand Palais revisitent les grands classiques de l’art contemporain français. 1960. Sous la houlette de Pierre Restany, un groupe d’artistes entre en rébellion contre la peinture abstraite dominante et transfigure l’objet quotidien. Les Nouveaux Réalistes occuperont la scène pendant dix ans. Aujourd’hui encore, ce sont les rares artistes contemporains français à figurer dans les grandes ventes anglo-saxonnes. Un destin que la Figuration Narrative, annoncée pour 2008, ne partage pas encore.
Que célèbre donc l’exposition des Nouveaux Réalistes au Grand Palais ? Le 50e anniversaire de la première exposition de monochromes bleus qu’Yves Klein fait en janvier 1957 à la Galerie Apollinaire de Milan ? Ou celui des expositions qu’il fait par la suite en mai à Paris chez Iris Clert et Colette Allendy ? Le 50e anniversaire de l’exposition d’Hains et de Villeglé, « Loi du 29 juillet 1881 », qui suit aussitôt chez cette dernière ? Ou celui des Peintures cinétiques de Tinguely en juin chez Édouard Loeb ? Ou bien encore celui des peintures et cachets d’Arman à la galerie La Roue qui a lieu dans le même temps ? Ni les uns, ni les autres en vérité, mais sans doute un peu tout cela.
Le règne de l’objet
Il existe une date déterminante dans l’histoire du Nouveau Réalisme, celle de la signature de la déclaration constitutive du groupe le 27 octobre 1960 : dès lors, on aurait pu penser qu’une telle célébration aurait lieu en 2010. Mais non ! L’institution, ordinairement si attentive aux anniversaires, en a décidé autrement. Dont acte. Ne boudons pas notre plaisir et voyons en quoi celui-ci occupe une place si importante dans l’histoire de l’art contemporain.
L’émergence du Nouveau Réalisme dans les années d’après-guerre est concomitante du développement de la société de consommation dont l’american way of life vise à imposer au monde le modèle. Nouveau, le réalisme l’est au regard d’un monde neuf qui s’ouvre à une nouvelle modernité érigeant l’objet en dieu-roi. La voiture que Roland Barthes élève au rang de mythe en est le symbole. L’affiche dont la ville se couvre est le vecteur de toutes les communications. Le plastique gagne ses lettres de noblesse. L’espace devient l’objet d’une conquête qui n’a plus rien de futuriste. Le monde en appelle à la profusion, à la surenchère, à l’accumulation. Plus que jamais, l’art veut changer la vie ; plus que jamais il se veut démocratique et puise ses modèles dans la vie quotidienne elle-même.
En réaction à l’abstraction
Émergeant dans les années 1950, le Nouveau Réalisme, tout comme le Pop Art qui naît, rappelons-le, en Angleterre, s’insurge contre une peinture abstraite qui vire à l’académisme et ne tient aucun compte des transformations de la société et des mentalités au lendemain de la terrible épreuve. Nouveau Réalisme et Pop Art sont toutefois fondamentalement différents, l’un renonçant aux supports traditionnels et s’en prenant directement au réel tandis que l’autre reste fidèle au vieux principe de la mimesis.
Les différentes stratégies d’appropriation du réel urbain, technologique et industriel, que mettent en place les Nouveaux Réalistes révèlent des approches qui sont aux antipodes les unes des autres. C’est que le Nouveau Réalisme n’est pas un groupe homogène mais composite et qu’il n’est pas le fait d’une communauté d’artistes mais celui d’un critique d’art qui s’est appliqué à les fédérer, sinon à les coordonner. Si son influence sur les avatars ultérieurs de l’objet reste déterminante, son histoire en tant que groupe constitué n’a duré qu’un laps de temps relativement court.
Avril 1960 Le critique d’art Pierre Restany publie à Milan le premier Manifeste du Nouveau Réalisme.
Octobre 1960 Arman, Dufrêne, Hains, Raysse, Restany, Spoerri, Tinguely et Villeglé signent la déclaration constitutive du Nouveau Réalisme dans l’atelier d’Yves Klein.
1960 à 1963 Expositions collectives du groupe à Paris, New York, Stockholm et San Marino.
1961 Second Manifeste du Nouveau Réalisme. César, Mimmo Rotella, Niki de Saint-Phalle et Gérard Deschamps adhèrent au mouvement.
1962 Mort d’Yves Klein.
1963 Christo rejoint le groupe.
1970 Une série de manifestations marque la dissolution du Nouveau Réalisme à Milan
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le sacre du Nouveau Réalisme
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°589 du 1 mars 2007, avec le titre suivant : Le sacre du Nouveau Réalisme