À la suite de la publication dans notre dernier numéro de notre « Enquête sur les musées de l’Institut de France », nous avons reçu les deux demandes de droit de réponse ci-dessous que nous publions bien volontiers dans leur intégralité.
La première mise au point émane du Collège des conservateurs du domaine de Chantilly.
"Le Collège des conservateurs du Musée de Chantilly tient à exprimer son indignation devant le manque d’objectivité, le manque de sérieux et la malveillance des auteurs de l’article paru dans le premier numéro de votre journal.
"Comment parler de fréquentation négligeable du Musée Condé ? Les entrées payantes ont augmenté de 100 000 de 1981 à 1991. Il y a eu, certes, une légère baisse en 1992 comme presque partout ailleurs.
"Mais peut-on parler de fréquentation négligeable à Chantilly qui a 260 000 entrées payantes alors que les grands châteaux voisins n’atteignent même pas 100 000 visiteurs (Compiègne : 55 104 entrées ; Écouen : 30 113 entrées) ?
"Le Musée Condé, compte tenu de la dimension des salles, est actuellement saturé à certaines périodes de l’année. C’est la raison pour laquelle l’Institut de France, conscient de ses responsabilités, ne cherche pas à augmenter globalement le nombre des visiteurs mais à augmenter le nombre de ceux qui visitent le parc et à promouvoir les visites en dehors des grandes saisons touristiques.
"Comment ne pas voir tous les travaux de restauration entrepris au cours des dix dernières années ? Il est facile de souligner la dégradation générale des jardins et le mauvais état des berges, mais il faudrait aussi ne pas oublier d’indiquer aux lecteurs qu’un vaste programme de curage, de restauration de bassins et de fontaines, de réfection de berges, de plantations est en cours depuis 1986. Les fontaines de Beauvais sont restaurées, les bassins du parterre Nord sont presque tous refaits, la réparation des douves a commencé. Le jardin anglais sera cet automne un vaste chantier.
"Quant à l’intérieur du château, il est facile de caricaturer le mauvais état des salles et des objets, mais quand on cite "les tapisseries rouges, rongées et noircies par la saleté" de la Tribune, il faudrait aussi indiquer aux lecteurs qu’à l’automne 1995, cette salle entièrement restaurée accueillera une grande exposition consacrée à Nicolas Poussin.
"Quand on écrit que la climatisation est très approximative, l’honnêteté la plus élémentaire serait aussi de dire qu’un programme de réfection complet du chauffage du château et du traitement de l’air est en cours de réalisation et qu’il doit être achevé en 1995.
"Quand on parle du système de sécurité, comment peut-on écrire "qu’il se réduit quasiment à la présence physique de gardiens" alors que le château de Chantilly est doté d’un système de détection incendie et de détection intrusion très moderne et parfaitement entretenu ?
"Quant aux tableaux qui ne sont pas à leur place, c’est précisément en raison de la politique de restauration conduite par la conservation du Musée. Il y a actuellement dix-neuf tableaux en restauration dont les sept de Nicolas Poussin qui doivent revenir pour l’exposition du mois de septembre.
"Comment peut-on parler de l’inconscience de l’Institut de France ? Le Collège des conservateurs tient à dire qu’en toute circonstance, et selon les moyens et pouvoirs qui sont les siens, l’Institut a toujours soutenu et appuyé les efforts entrepris pour restaurer, moderniser et conserver le domaine légué par le duc d’Aumale.
"Grâce au concours de l’État et des collectivités locales, à celui de nombreux mécènes et à une gestion qui a su s’adapter aux besoins de notre époque, c’est au total une moyenne de 10 millions de francs de travaux qui sont réalisés chaque année depuis 1986.
"Ce n’est pas en portant des jugements simplistes sur des réalités complexes (le problème du stationnement aux abords des monuments historiques par exemple), en caricaturant systématiquement la réalité que vous rendez service à la cause que vous prétendez défendre."
Maurice Schumann
de l’Académie française
Ndlr. Notre enquête se base sur la réalité constatée en 1994, et nos journalistes rapportent ce qu’ils ont vu. Nous regrettons que lors de nos nombreux entretiens avec les responsables du domaine, les projets annoncés pour 1995 par M. Maurice Schumann – qui au demeurant ne concernent qu’un aspect des problèmes actuels – n’aient pas été évoqués. Quant à l’exposition Poussin, nous pensons qu’il s’agit d’une erreur de l’annoncer pour "l’automne 1995", alors que celle-ci est programmée pour cet automne, comme l’indiquait le calendrier annuel du JdA, publié en mars.
La fréquentation de Chantilly ne saurait être comparée à celle de châteaux tel qu’Écouen, en raison du caractère exceptionnel de ses collections d’art et, accessoirement, en raison de la part importante que tiennent les visites du Parc dans la comptabilisation globale des entrées à Chantilly.
Certes, près de 10 millions de francs de travaux sont réalisés annuellement, mais il serait nécessaire de multiplier ces moyens, par deux ou par trois, pendant de nombreuses années. Comment trouver pareille somme, alors que les dépenses de fonctionnement sont à peine assurées ?
Une visite permettra à nos lecteurs de constater par eux-mêmes l’état général de Chantilly, et ne pourra que contribuer au redressement de la fréquentation d’un lieu si attachant.
Nous avons consacré un long développement, dans la même enquête, au nouveau départ pris par le musée Jacquemart-André, dont le fonctionnement avait fait, il y a deux ans, l’objet de nombreuses critiques. Comme tous les amateurs d’art, nous prenons acte avec une grande satisfaction des projets évoqués par le Collège des conservateurs, et ne manquerons pas d’en rendre compte dès qu’ils seront réalisés.
La seconde mise au point nous est transmise par les avocats de l’Institut, à la demande de M. Éric Peuchot, directeur des services administratifs de l’Institut.
"MM. Joël Debourges et Christophe Martin ont écrit :
"Le Chancelier lança un jour : "Vendons un Poussin et tout sera réglé"... Cette provocation est identique à celle de Richard Glaton, patron de la Fondation Burnes, qui a prétendu vouloir vendre une dizaine de Renoir."
"Ces propos n’ont jamais été tenus et ne correspondent en rien à la réalité de la pensée du Chancelier. Il faut rappeler que, étant lui-même donateur, il est plus que quiconque attaché à l’inaliénabilité et à l’imprescriptibilité des legs consentis à l’Institut."
Ndlr. Comme le veut la loi, nous reproduisons textuellement le rectificatif communiqué par les avocats de l’Institut de France, bien qu’il ne donne qu’une version tronquée de notre texte, tout en priant le président de la Fondation Barnes, Richard Glanton, d’excuser les malencontreuses fautes d’orthographe apportées non seulement à son nom mais également à celui du créateur de la Fondation… Nous confirmons que le propos attribué à l’ancien Chancelier a bien été rapporté par M. Éric Peuchot lors de l’entretien qu’il nous a accordé. Nous avons bien entendu souligné qu’il s’agissait d’une provocation, et l’attachement bien connu du chancelier Bonnefous à l’inaliénabilité et à l’imprescriptibilité des legs consentis à l’Institut n’a évidemment jamais été mis en cause. Pour être mieux compris de l’Institut, aurions-nous dû écrire "Cum grano salis"?
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Le Musée Condé de Chantilly : les réponses de l’Institut
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°2 du 1 avril 1994, avec le titre suivant : Le Musée Condé de Chantilly