À l’heure où les projets interactifs sont en vogue dans les musées, la nécessité d’une formation spécifique se fait sentir. Il s’agit dès aujourd’hui de former les \"multimédiartistes\" de demain, pour, notamment, lutter contre la domination des produits américains.
PARIS - Il ne suffit pas de réunir du texte, du son et de l’image sur un écran pour réaliser un produit multimédia de qualité. "Le multimédia ne se réduit pas à l’exhaustivité ni à l’accumulation de signes", résumait Paul Soriano, président de la société MEDIEVA, lors de deux journées d’étude, les 26 et 27 septembre, à l’École nationale supérieure des beaux-arts, en soulignant l’impérieuse nécessité de former des auteurs maîtrisant ce nouveau langage. "La discipline multimédia se rapproche de la production audiovisuelle ; elle nécessite des compétences multiples, à la fois techniques et artistiques", affirme Xavier Daras, directeur de l’Observatoire des industries du multimédia.
"La difficulté est de faire travailler ensemble un conservateur, un graphiste et un informaticien", renchérit Jean-François Chougnet, directeur des services éditoriaux et commerciaux de la Réunion des musées nationaux, "ce qui manque, ce sont des producteurs délégués capables d’orchestrer un schéma de production très différent d’un film ou d’un livre".
Pour remédier à ce manque, l’École nationale supérieure des beaux-arts créera à la rentrée un "mastère multimédia-hypermédia" afin de former des spécialistes pluridisciplinaires, au fait des questions artistiques, techniques et de gestion. Un pari à la démesure de ce marché prometteur, qui représentera en France près de 600 millions de francs à la fin de l’année.*
"La question n’est pas de savoir si le multimédia constitue un bon ou un mauvais support pour une démarche culturelle. Les produits à contenu culturel sont déjà là, et si nous ne les fabriquons pas nous-même, nous consommerons ceux des autres", s’alarmait le ministre de la Culture et de la Francophonie, Jacques Toubon, lors de ces même journées d’études, intitulées "Multimédia, l’enjeu culturel".
Un marché encore balbutiant en France
Il est vrai que ce marché, largement dominé par les États-Unis, est encore balbutiant en France. Le nombre de titres français sur CD-ROM et CDI ne dépasse pas le chiffre de 445 contre 3 921 titres en anglais en 1994**. Le parc de lecteurs de CD-ROM s’élevait à 60 000 unités grand public contre 1 800 000 aux États-Unis en 1993, celui du CDI (Compact disc interactif) de 30 000 dans l’hexagone contre 125 000 aux États-Unis***. C’est dire si "le parc est insuffisant pour prétendre à la rentabilité", souligne Alain Le Diberder, directeur des nouveaux programmes de Canal .
Le nombre réduit des titres interactifs sur le marché s’explique en partie par une fiscalité trop lourde. "Le taux de TVA applicable au produit multimédia est pénalisant, regrette Jean-François Chougnet, il est de 18,6 % comme sur les logiciels informatiques, alors qu’il devrait être de 5,5 % comme pour le livre. C’est un bien culturel, qui mérite d’être encouragé par des recettes fiscales moindres".
Même si le fonds d’aide à l’édition sur supports optiques du Centre national du cinéma (CNC), financé par les ministères de la Culture et de l’Industrie à part égale, a distribué 25 millions de francs depuis sa création en 1989, et si le Club d’investissement média de la Communauté européenne a investi 6 millions d’écus (près de 40 millions de francs) cette année dans diverses co-productions européennes, les produits multimédias français demeurent coûteux à la production et à la vente. L’équilibre reste à trouver, entre rentabilité et dimension artistique.
* Source : cabinet d’études IDC.
** Source : Les chiffres clés du multimédia, Observatoire des industries du multimédia, juillet 1994.
*** Source : Rapport de Pierre Sirinelli : Industries culturelles et nouvelles techniques, La documentation française, septembre 1994.
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Le multimédia n’a rien d’un collage
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°8 du 1 novembre 1994, avec le titre suivant : Le multimédia n’a rien d’un collage