Directeur du Museum of Modern Art (MoMA) de New York depuis 1995, Glenn D. Lowry dirige depuis quelques années le projet d’agrandissement du musée. Avant sa réouverture en 2005, ce dernier ferme ses portes de Manhattan au mois de juin, tout en poursuivant une politique d’expositions temporaires dans sa nouvelle annexe de Queens. Dans un entretien, Glenn D. Lowry revient sur l’ensemble de ces projets.
Le MoMA est actuellement en travaux. Quels en sont les objectifs ?
Nous allons doubler la taille du MoMA Manhattan qui fait actuellement 35 000 m2. Le budget des travaux s’élève à 800 millions de dollars, tout compris. 65 millions viennent de la Ville de New York, 5 millions de l’État de New York et le reste de donations privées. Dans le nouveau bâtiment, nous aurons un troisième auditorium. Les espaces d’expositions vont passer de 8 000 à 13 000 m2. Nous aurons plus d’espace pour les bureaux, pour le public, pas seulement des restaurants ou des cafés, mais les espaces seront plus grands. Après 1984, quand nous avons réalisé le dernier agrandissement du musée, notre fréquentation a doublé, passant de 900 000 visiteurs par an à 1 800 000. Les salles d’exposition étaient trop étroites tout comme les espaces publics. Nous voulons un musée plus spacieux, sans pour autant être énorme. Nous voulons qu’il puisse se visiter en une seule journée, à la différence d’un Metropolitan ou d’un Louvre, pour garder un caractère intime.
Quelles ont été les étapes de ce projet ?
Pour le réaménagement du Musée d’art moderne à Manhattan, nous avons organisé un concours qui a eu lieu il y a cinq ans. Nous avions invité dix architectes du monde entier. Nous en avons choisi trois après un premier regard. Nous leur avons demandé de faire un projet assez développé et nous avons finalement choisi celui de Yoshio Taniguchi, un Japonais qui n’avait jamais travaillé auparavant en Occident mais qui est très connu dans son pays. Il y a déjà construit plusieurs musées. Nous avons travaillé avec lui pendant cinq ans, et le musée est en construction. Pour le deuxième projet, qui est à Queens, j’ai choisi l’architecte. C’est un projet plus petit, 16 000 m2 contre 65 000 m2 pour le grand. Le petit projet a démarré comme un centre de recherche et un espace pour les réserves. Nous n’avons pas pensé au départ à l’aspect public. Mais après quelques années, nous avons décidé qu’il fallait un programme d’expositions temporaires pendant notre chantier. Il était impossible de le continuer à Manhattan parce que le grand projet ne constitue pas seulement un agrandissement mais aussi un réaménagement total. Nous avons cherché un endroit à Manhattan et nous n’avons rien trouvé, sauf des espaces très chers et peu adaptés. Nous avons finalement décidé de prêter un peu d’espace de nos nouvelles réserves. Nous avons acheté cet immeuble à Queens pour nos réserves actuelles mais aussi futures. Nous avons calculé nos besoins pour les trente prochaines années. Nous n’utilisons aujourd’hui qu’un tiers de cet espace. Aussi, nous avons pris 3 000 m2 pour des salles d’expositions temporaires. L’agence d’architecture Cooper, Robertson & Partners a fait le plan de l’immeuble. Pour l’extérieur et les espaces publics, nous avons demandé à Michael Maltzan, un jeune architecte californien, de concevoir quelque chose de spécial dans la grande boîte, une ancienne usine dont nous avons changé la couleur et la texture des murs.
Où étaient auparavant conservées les réserves du MoMA ?
Elles étaient dans un bâtiment de Manhattan et dans dix-huit autres lieux. Nous louions ces espaces qui n’étaient pas aux normes de climatisation, sans sécurité de haut niveau. Nous allons rassembler toute notre collection dans un seul bâtiment, avec une très haute sécurité, avec notre bibliothèque, nos archives. Tous les éléments de recherche seront ensemble. Un chercheur qui viendra pour une journée pourra au même endroit voir un tableau de Richter, mais aussi des dessins et consulter des ouvrages.
Le MoMA Queens sera-t-il aussi un lieu d’exposition ?
Nous y organiserons des expositions pendant trois ans, de juin 2002 à juin 2005. Le MoMA rouvrira au printemps 2005 et nous déciderons alors si nous poursuivons un programme d’expositions à Queens. De toute façon, nous serons obligés à terme de récupérer les salles pour nos réserves.
Quelles seront les grandes expositions accueillies jusqu’à 2005 par le MoMA Queens ?
“Tempo” (juin-septembre 2002), organisée par Paulo Herkenhoff ; “Matisse-Picasso” (février-mai 2003) ; Max Beckmann (juin-septembre 2003) que nous organisons avec le Centre Pompidou et la Tate Modern ; Armando Reverón (novembre 2003-février 2004), un artiste vénézuélien peu connu à l’Ouest, mort dans les années 1950 ; “Kiki Smith” (décembre 2003-février 2004) ; “Le paysage contemporain” (juin-octobre 2004), sans oublier une grande exposition sur les dessins contemporains (octobre 2002-janvier 2003). Nous mettrons nos chefs-d’œuvre en circulation, avec des étapes à Houston et à la Neue National Galerie de Berlin. Nous organiserons aussi de petites expositions pour les États-Unis centrées sur les dessins, les photographies, etc.
Pour le nouveau MoMA Manhattan, avez-vous renforcé votre politique d’acquisition ?
Nous avons déjà augmenté nos acquisitions. Une des raisons de cet agrandissement se trouve dans le nombre d’acquisitions contemporaines que nous ne pouvions pas exposer parce que les salles du musée n’étaient ni assez grandes ni assez solides, par exemple, pour exposer des sculptures de Richard Serra. Dans ce nouveau bâtiment, des salles seront spécialement conçues pour de grandes sculptures.
Quel est votre budget annuel d’acquisition ?
Notre budget d’acquisition représente cinq à six millions de dollars par an, ce qui n’est pas assez. Néanmoins, environ mille objets rentrent chaque année dans nos collections. Ces entrées varient en fonction des donations. Il y une fierté à donner pour nos trustees mais aussi pour les grands amis du musée. Les donations arrivent toujours. Quarante-quatre œuvres d’art contemporain exceptionnelles issues d’un ensemble en mains privées viennent ainsi de rentrer dans nos collections.
Comment sera organisé l’accrochage des collections ?
Nous avons étudié ceux du Centre Pompidou à Paris, de la Tate Modern à Londres, de Berlin… C’est vraiment compliqué de choisir entre un accrochage thématique ou historique. Nous avons une collection qui a une puissance, qui est sans “trou” du début jusqu’à aujourd’hui. Nous avons une responsabilité, celle de présenter cette collection dans un accrochage compréhensible et historique. En même temps, nous ne voulons pas perdre la possibilité des accrochages thématiques. Pour l’instant, nous pensons faire un accrochage historique mais interrompu par des salles thématiques, pour que le sens de l’histoire ne se perde jamais. Par exemple, à côté du Surréalisme, nous pourrons avoir une salle thématique avec les Atget pour créer une juxtaposition intéressante. Les salles thématiques changeront tous les quatre à six mois, tandis que les salles historiques évolueront tous les cinq ou dix ans. Par exemple, il serait stupide de montrer l’ensemble de nos tableaux cubistes. Nous en avons une centaine. Nous allons choisir les plus importants, et les autres tourneront dans une salle thématique adjacente.
Quels sont vos projets aujourd’hui sur Internet ?
Nous sommes en train de changer la structure de notre site, un travail qui continuera cet été et à l’automne. Nous le faisons en partenariat avec IBM. Notre but est d’avoir toutes nos expositions et nos audioguides sur notre site dans une formule virtuelle. Nous avons numérisé 16 000 objets de la collection qui seront sur le site à partir de septembre ou octobre.
Quels sont les liens qui unissent le MoMA et P.S.1 ?
Ce sont des liens très proches, mais la programmation de P.S.1 est indépendante, même si nous élaborons le concept du programme ensemble. Nous réalisons en commun la gestion, la pédagogie, les finances, le sponsoring. Le MoMA va organiser des expositions d’art contemporain et P.S.1 aura au même moment les siennes, mais je veux qu’elles soient complètement différentes. Au MoMA, l’art contemporain est toujours en contact avec l’art moderne, il y a une lutte entre les deux. En revanche, P.S.1 n’a pas de collection, il n’a pas à gérer le poids de l’histoire. Il peut organiser d’autres types d’expositions. Je veux garder cette différence. Je ne veux pas “MoMAfier” le P.S.1. Nous pouvons aussi échanger du personnel, nos conservateurs peuvent travailler avec l’une ou l’autre structure. Nous sommes très proches mais, en même temps, nous gardons l’indépendance de nos programmations.
P.S.1 est très lié au Kunstwerke de Berlin qui connaît actuellement des problèmes financiers. Est-ce que cela va affecter les relations entre les deux institutions ?
Le Kunstwerke a toujours eu des problèmes financiers. Klaus Biesenbach, son directeur, est aussi conservateur en chef au P.S.1. Les relations entre les deux structures sont donc très proches sur le plan intellectuel. Notre intérêt est de voir survivre le Kunstwerke. Il a beaucoup d’amis dans le gouvernement de Berlin, mais la ville connaît des problèmes financiers étonnants. Nous verrons. Pour l’instant, le centre d’art ne nous ont pas demandé d’aide, mais je souhaite qu’il continue parce qu’il fait un travail très important, beaucoup plus intéressant que les autres musées de Berlin. Et il le fait avec peu de moyens.
- Museum of Modern Art (MoMA) Queens, 33rd Street at Queens Boulevard, Long Island City, New York, jeudi-lundi 10h-17h, vendredi 10h-19h45, fermé le mardi et le mercredi.
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Le MoMA de New York puise dans ses réserves
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°150 du 31 mai 2002, avec le titre suivant : Le MoMA de New York puise dans ses réserves