Alors qu’il est question de présenter les arts primitifs au Louvre, le Museum contre-attaque et milite pour la modernisation du Musée de l’Homme, qui abrite trois de ses laboratoires (Anthropologie biologique, Préhistoire et Ethnologie). Henry de Lumley, directeur du Muséum depuis 1994, nous présente son projet et commente l’actualité du mois.
Quelle réflexion vous inspire la mort de François Mitterrand ?
Je me souviens d’une de ses visites au Jardin des Plantes, en 1988, au cours de laquelle il prit la décision de réhabiliter la grande galerie de Paléontologie après avoir demandé combien de temps cela prendrait et s’être entendu répondre "moins d’un septennat" !
Comment rénover le Musée de l’Homme ?
En le créant, l’architecte a oublié les réserves ! Résultat, des dizaines de milliers d’objet s’entassent dans des galeries normalement destinées à l’exposition des collections, sans parler des bureaux et des couloirs, qui regorgent eux aussi de pièces. Nous souhaiterions donc – sur le modèle de la zoothèque souterraine, attenante à la grande galerie de l’Évolution – creuser des réserves qui permettraient de tripler les surfaces d’exposition (de 3 000 à 9 000 m2 environ). Ensuite, il s’agira de réorganiser et de moderniser la présentation du musée.
À l’heure où le Milia ouvre ses portes, le multimédia vous sera-t-il d’un grand secours ?
Oui, car ce musée doit devenir un spectacle : un musée audiovisuel et interactif, qui en finisse avec les tristes vitrines d’aujourd’hui.
Mais cette mise en scène ne se fera-t-elle pas au détriment des œuvres d’art ? Existe-t-il une voie ethno-esthétique ?
Il n’y a rien d’antinomique. Regardez la grande galerie de l’Évolution : la muséographie de René Allio n’est-elle pas une grande réussite ? À nous de trouver celui qui saura inventer un dispositif muséographique original conciliant les exigences scientifiques et esthétiques. À la différence des musées d’art, faits pour des esthètes, le Musée de l’Homme est un musée d’enseignement populaire, ouvert à tous. Le Musée de l’Homme rénové poursuivra le même but, mais rien n’empêchera d’y aménager des moments, des respirations, voire peut-être un parcours plus "artistique".
Que pensez-vous du projet présidentiel de présentation des arts primitifs au Louvre ?
C’est une idée qu’on ne peut comparer avec notre mission, qui est de présenter les objets dans leur contexte. Nos collections ethnologiques ne comprennent pas uniquement des objets d’art, ce ne sont pas des collections d’"antiquaire"… Elles ont été constituées par des chercheurs – à une époque, d’ailleurs, où les musées des beaux-arts fichaient en l’air ce qu’ils appelaient l’art nègre – qui ont tout récupéré, sans se limiter à des masques ou des totems extraordinaires. Ils ont aussi ramassé des objets de la vie quotidienne, tout ce qui permet de comprendre la globalité d’une culture. Enfin, la provenance de ces pièces est parfaitement établie…
Quels seront vos moyens de financement ?
Ce projet nécessite un geste exceptionnel du président de la République. Les travaux sont estimés à 300 ou 400 millions de francs, soit une somme inférieure aux coûts de la grande galerie de l’Évolution et de la zoothèque.
Quelle est à votre avis l’exposition du mois ?
"Africa", dernièrement à la Royal Academy et cet été au Guggenheim, pour laquelle le Musée de l’Homme a prêté de nombreuses pièces. Preuve que nous sommes ouverts à une conception différente de la nôtre, puisque les objets y sont présentés hors de leur contexte !
Où en est le Musée de préhistoire des Gorges du Verdon, confié à Norman Foster ?
Son ouverture n’est prévue que dans deux ou trois ans. Le musée sera comme une grande coquille, à moitié enterrée : son mur en spirale évoquera les Gorges du Verdon. Actuellement, nous terminons le Musée préhistorique de Tende.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le mois vu par Henry de Lumley, directeur du Muséum national d’histoire naturelle
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°22 du 1 février 1996, avec le titre suivant : Le mois vu par Henry de Lumley, directeur du Muséum national d’histoire naturelle