Né en 1939, à Lyon, Alain Crombecque est directeur général du Festival d’automne à Paris depuis 1993. Pour en avoir été le directeur artistique entre 1974 et 1978, il connaît bien les rouages de cette manifestation pluriculturelle créée par Michel Guy en 1972, qui mêle théâtre, danse, musique, cinéma et expositions. Homme de théâtre – il a dirigé le Festival d’Avignon de 1985 à 1992 –, homme de cinéma – il était délégué général du Premier siècle du cinéma en 1993-1995 –, Alain Crombecque est aussi un homme de convictions – il était chargé des questions culturelles et internationales à l’Union nationale des étudiants de France en 1964-1965. Ce \"spectateur professionnel\", comme il se définit lui-même, commente l’actualité du mois.
Au moment où la commission Friedmann rend ses conclusions (lire p. 1), quelle est selon vous la meilleure façon de présenter les arts primitifs au sein des collections publiques ?
Je comprends très bien cette volonté présidentielle de consacrer des moyens ainsi qu’un ou plusieurs lieux à la présentation des arts primitifs. Cependant, il serait regrettable que la singularité du Musée de l’Homme, qui représente une aventure tout à fait singulière dans le monde, disparaisse. J’espère qu’elle pourra exister différemment dans un autre contexte. De même pour le Musée du cinéma Henri Langlois, riche de plusieurs milliers de pièces. Là encore, une réflexion s’impose pour trouver la meilleure muséographie possible lors de son redéploiement [actuellement à l’étude du fait du remaniement de l’aile de Paris du Palais de Chaillot].
Vous considérez-vous comme un "militant" de l’abolition des frontières entre les arts plastiques et les autres formes de culture ?
L’œuvre plastique éclaire l’œuvre théâtrale et réciproquement. Ce souci du croisement a toujours animé le Festival d’Automne, qui collabore régulièrement avec des artistes polyvalents, tels que Bob Wilson, Meredith Monk, ou Christian Boltanski… Celui-ci étudie pour 1997 un projet inspiré de Kawabata Yasunari qui sera présenté dans un lieu privé, peut-être un appartement ! Il y a cette année une soirée à laquelle je tiens beaucoup : le 12 octobre au Théâtre des Champs-Élysées, une vidéo de Bill Viola sera projetée en même temps que l’exécution de Déserts d’Edgar Varèse qui, dès 1954, l’année de sa création, avait pensé que le dispositif final de l’œuvre devait inclure la projection d’un film… qui existe aujourd’hui. Un autre croisement tout aussi passionnant sera la visite de la maison de Pierre Henry, qui a souhaité accueillir chez lui une quarantaine de visiteurs par soirée entre le 21 octobre et le 21 novembre. En utilisant les résidus de ses créations – bobinots, écrous, câbles, matériaux divers… –, il a fait de sa maison, de la cave au grenier, une véritable œuvre acoustique et plastique, un peu dans l’esprit des Merzbau de Kurt Schwitters.
Alors que Jacques Rigaud préside une commission chargée de "redéfinir les missions et les méthodes" de la rue de Valois, le budget du ministère de la Culture va être bientôt voté : qu’en attendez-vous ?
Il y a en France une permanence de la politique culturelle qui transcende les clivages politiques, avec plus ou moins de bonheur. Mais la revendication du 1 % pour le budget de la Culture n’est pas suffisante, il faut définir de grands objectifs culturels régionaux afin de tisser une politique harmonieuse entre les collectivités locales et l’État, qui doit garder son rôle d’incitateur. Car je ne crois pas au relais libéral du mécénat : force d’appoint, il ne peut pas devenir la règle. C’est une idée neuve dans notre pays et aux États-Unis même où des orchestres et des festivals ont disparu du jour au lendemain parce que le mécène principal avait brusquement décidé de changer de politique. D’ailleurs, la part du mécénat dans le financement du Festival d’automne ne croît pas. Elle est de 10 %, soit 2,2 millions de francs pour un budget total de 22 millions de francs [8 millions de francs sont apportés par l’État, 4,2 par la Ville de Paris]. En matière de politique culturelle, la question essentielle demeure celle des enseignements artistiques dans le champ scolaire.
"Francis Bacon", "Alexander Calder", "Un siècle de sculpture anglaise"… Qu’avez-vous retenu des grandes expositions de l’été ?
Un des grands moments de cette saison est sans conteste la rétrospective Francis Bacon. Ses première œuvres, que je ne connaissais pas, ont été pour moi une révélation. Notamment grâce à une scénographie d’une grande simplicité donnant un maximum de lisibilité aux œuvres exposées. Les expositions du Musée d’art moderne de la Ville de Paris sont généralement des merveilles d’intelligence : l’exposition Calder est de ce point de vue totalement jubilatoire. Enfin, nous pourrions demander à Anish Kapoor, qui expose au sein de l’exposition "Un siècle de sculpture anglaise", d’étudier la possibilité de créer une œuvre pour la chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière en 1998. Pour 1997, le Festival d’automne étant consacré au Japon, nous souhaiterions y exposer Hiroshi Kawamata, après Bill Viola cette année (lire ci-contre).
En tant qu’ancien directeur du Festival d’Avignon, la récente réouverture du Musée Calvet, après sept ans de fermeture, a dû vous faire plaisir !
Cette réouverture doit beaucoup à la ténacité de son nouveau conservateur, Pierre Provoyeur, qui a eu le courage de faire en sorte qu’au moins un tiers de ses collections soit accessible au public. Voilà un vrai lieu de connaisseur, d’humaniste ; c’est un musée auquel j’ai toujours été très attaché. Mais il faudra le voir entièrement achevé avant d’en discuter le nouveau parti pris muséographique. J’attends donc de voir la suite.
Festival d’Automne à Paris : 156, rue de Rivoli, 75001 Paris, tél. 01 42 96 12 27.
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Le mois vu par Alain Crombecque, directeur du Festival d’automne à Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°29 du 1 octobre 1996, avec le titre suivant : Le mois vu par Alain Crombecque, directeur du Festival d’automne à Paris