Peintre singulier de la fin du XIXe siècle, Henri Rousseau n’a laissé personne indifférent, notamment les artistes de l’avant-garde qui, comme Picasso et Apollinaire, ont vu en lui un guide de choix...
C’est une caractéristique de l’art d’Henri Rousseau que d’avoir suscité l’intérêt des autres artistes, de son vivant comme de façon posthume. Plusieurs générations se suivent ainsi qui partagent un intérêt tout particulier pour la peinture du douanier.
Les contemporains de Henri Rousseau se sont parfois faits élogieux, tels Paul Gauguin, Georges Seurat, Odilon Redon, ou encore Edgar Degas. À la fin de sa vie, Pablo Picasso, Robert Delaunay ou Wassili Kandinsky achetèrent les œuvres du peintre de Laval. Le soutien des écrivains comme Alfred Jarry ou Guillaume Apollinaire fit beaucoup pour créer une légende durable autour de la figure du Douanier Rousseau.
« L’alpha et l’oméga »
Au milieu des quolibets qui accueillent les perspectives aplaties et les disproportions d’échelles de Rousseau, faux « naïf » mais vrai moderne, les voix des peintres modernes se distinguent dès son premier envoi au Salon de 1885. Camille Pissarro est ainsi touché par le talent de coloriste de Rousseau, comme l’est peu après Pierre Puvis de Chavanne ou encore Paul Gauguin, avec qui le douanier a en commun une carrière de peintre commencée sur le tard et une vision « primitive ».
C’est l’envoi du premier tableau de Jungle de Rousseau au Salon des Indépendants de 1891 (Tigre surpris par un orage tropical. Surpris !) qui occasionne, avec le compte-rendu de Félix Vallotton, le premier texte d’un peintre sur Rousseau. Futur nabi, le jeune artiste suisse est encore peu connu et, récemment installé à Paris, il s’enthousiasme : « M. Rousseau devient stupéfiant d’année en année, mais il s’impose et en tout cas se taille une jolie réclame, les dos moutonnent devant ses envois, et les rires retentissent. C’est de plus un terrible voisin ; il écrase tout. Son tigre surprenant une proie est à voir ; c’est l’alpha et l’oméga de la peinture, et si déconcertant que les convictions les plus enracinées s’arrêtent et hésitent devant tant de suffisance et d’enfantine naïveté. Tout le monde ne rit pas, du reste, et certains qui en auraient envie s’arrêtent bientôt ; il est toujours beau de voir une croyance, quelle qu’elle soit, si impitoyablement exprimée. J’ai pour ma part une estime sincère pour ces efforts, et je les préfère cent fois aux déplorables erreurs d’à côté » (Le Journal suisse, 25 mars 1891).
Une peinture de rupture
Louis Roy, peintre proche de Gauguin à Pont-Aven, affirme devant La Guerre, chef-d’œuvre de Rousseau exposé au Salon des Indépendants de 1894, que cette peinture « a pu paraître étrange parce qu’elle n’évoquait aucune idée de chose déjà vue » ajoutant que Rousseau « tend vers un art nouveau ».
C’est peut-être cette nouveauté, enracinée pourtant dans une compréhension intuitive des classiques, qui séduit Picasso. Seize ans plus tard, le peintre espagnol, admirateur de Rousseau dont il voit les peintures au Salon, achète chez un brocanteur un grand portrait de femme dont il ne se séparera plus, indiquant qu’il s’agit pour lui du portrait psychologique le plus achevé, dans le « genre français ».
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le douanier, éclaireur des avant-gardes
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°579 du 1 avril 2006, avec le titre suivant : Le douanier, éclaireur des avant-gardes