Avec l’arrivée de Mark Jones, ancien directeur des Musées nationaux d’Écosse, à la tête du Victoria & Albert Museum de Londres, le gouvernement anglais espère que l’établissement va renouer ses liens avec le public. Un rapport parlementaire vient en effet d’épingler le musée sur une fréquentation jugée insuffisante.
LONDRES (de notre correspondant) - Pourtant prestigieux, le nom du Victoria and Albert Museum (V&A) semble être un de ses principaux handicaps. C’est du moins ce que révèle un rapport rédigé par le National Audit Office, un comité de surveillance parlementaire indépendant : une évaluation effectuée auprès de visiteurs qui venaient au musée pour la première fois a montré que 55 % d’entre eux “ne savaient pas ce que renfermait le musée avant de le visiter”. Selon la même source, il souffre de son image, et ses visiteurs potentiels apparaissent comme “réfractaires à sa réputation de musée pour intellectuels”. Une image que Mark Jones, le nouveau directeur du V&A, devra faire évoluer dès sa prise de fonction le 1er mai (lire encadré). Chris Smith, le ministre de la Culture anglais s’est d’ailleurs déclaré “certain que Mark permettra au musée d’asseoir son statut, sa réputation et sa pertinence dans les années à venir”. Ancien directeur des Musées nationaux d’Écosse, ce dernier a été nommé après des mois de spéculation concernant la succession d’Alan Borg. Postulaient également Timothy Clifford des Galeries nationales d’Écosse et Charles Saumarez Smith de la National Portrait Gallery. Un temps attiré par la direction du British Museum – duquel le directeur Robert Anderson prendra sa retraite en 2002 – Mark Jones, sûrement effrayé au départ par la compétition annoncée, avait pourtant fini par poser sa candidature. Si, depuis l’annonce de sa nomination, il est resté discret sur ses projets, son souhait de rétablir l’accès gratuit au V&A, à travers une redistribution des crédits, est connu. Cette mesure pourrait peut-être aider la fréquentation en baisse déplorée par le National Audit Office. Il y a trois ans, le V&A admettait que l’affluence devait augmenter de 16 % avant 2001-2002. Mais en 1999-2000, le nombre de visiteurs a reculé de 200 000 personnes pour se chiffrer à 1,27 million. Cette baisse soudaine a entraîné une perte d’environ 7,2 millions de francs de droits d’entrée et un manque à gagner de plus de 5 millions de francs pour les activités commerciales annexes du musée. L’État a dû revoir à la hausse les subventions, passées de 200 à 250 francs par visiteur. Pour l’exercice financier en cours qui s’achèvera ce mois-ci, on estime la fréquentation à 1,38 million de visiteurs – un chiffre inférieur au nouvel objectif placé à 1,5 million. Porté par l’exposition “Art nouveau”, ce résultat marque toutefois une progression par rapport aux années précédentes. Dans le même domaine, le rapport souligne que le musée “ne parvient pas à attirer les enfants et les familles”, 14 % des visiteurs seulement étant âgés de moins de dix-huit ans. Il remarque également que les visiteurs sont décontenancés par le plan compliqué du musée, et que “l’orientation reste un problème”. Si les British Galleries, qui ouvrent en novembre 2001, vont offrir un agencement nettement plus agréable, le V&A est clairement invité “à ne pas perdre de vue que d’autres sections du musée pourraient pâtir du contraste avec les British Galleries entièrement rénovées, puisque la plupart des 145 salles n’ont pas été modifiées depuis presque cent ans”.
Né en 1951, Mark Jones a suivi un cursus exemplaire : Eton, Oxford (philosophie, sciences politiques et économie) et l’Institut Courtauld. À son arrivé en 1974 au British Museum, il devient conservateur assistant du département des Pièces et des Médailles, avant d’en être nommé le conservateur en 1990. Un parcours pendant lequel il se fait remarquer pour le nouveau souffle qu’il donne à cette section, considérée comme l’une des plus poussiéreuses du musée. Son plus grand succès est l’exposition “Faux ? L’art de la déception”? (1990). En 1992, Mark Jones, qui a la réputation de ne pas dévoiler ses pensées, est nommé directeur des Musées nationaux d’Écosse, une promotion considérable pour un homme resté au poste d’assistant conservateur pendant seize ans. Il prend alors la tête d’une demi-douzaine d’établissements dont le budget total s’élève à près de 165 millions de francs. Avec quelque 1,2 million de visiteurs par an, ces musées sont sur un pied d’égalité avec le V&A qui, malgré un budget deux fois plus important, n’accueille pas tout à fait un million de visiteurs par an.
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Le défi de Mark Jones
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°124 du 30 mars 2001, avec le titre suivant : Le défi de Mark Jones