Conformément à ses engagements, la majorité conservatrice qui siège au Congrès depuis novembre 1994 s’est attaquée au démantèlement du National Endowment for the Arts et du National Endowment for the Humanities en leur imposant des restrictions budgétaires drastiques. À six mois des élections présidentielles américaines, l’avenir de ces deux organismes fédéraux chargés d’octroyer les subventions publiques en faveur des Arts et de la Culture aux États-Unis continue plus que jamais de diviser démocrates et républicains.
WASHINGTON (de notre correspondant) - En marge de la campagne présidentielle américaine, la question du maintien ou de la suppression du National Endowment for the Arts (NEA) et du National Endowment for the Humanities (NEH) est une nouvelle fois d’actualité. Les restrictions budgétaires de 40 % imposées au NEA et au NEH par la majorité conservatrice du Congrès ont été qualifiées d’"abandon spectaculaire de notre engagement aux côtés de l’Art et de la Culture" par Bill Clinton, candidat à un deuxième mandat au mois de novembre. À l’opposé, le sénateur du Kansas Bob Dole, candidat républicain à l’investiture suprême, a déclaré que le NEA devrait cesser d’exister.
Étant donné la modestie des financements publics dans la vie artistique et culturelle américaine, qui tire l’essentiel de ses subventions du secteur privé, le véritable enjeu de cet affrontement se situe d’évidence sur un terrain plus idéologique qu’économique.
Malgré cela, dispersée et désorganisée, la communauté culturelle américaine a échoué dans sa tentative de dissuader la Chambre des représentants de réduire considérablement les budgets des deux organismes fédéraux, créés il y a une trentaine d’années. Bien que ces dispositions ne soient pas définitivement adoptées – le Sénat doit auparavant les discuter –, les deux organismes n’ont reçu cette année qu’un financement équivalent à 75 % de ce qu’ils avaient reçu en 1995 et opèrent déjà comme si les coupes de 40 % étaient appliquées, sachant que le projet de loi en question, s’il est voté, aura un effet rétroactif.
Les budgets respectifs du NEA et du NEH devant passer de 162 et 172 millions de dollars (environ 810 et 860 millions de francs), en 1995, à 95,5 millions de dollars cette année (environ 500 millions de francs), le premier n’emploie déjà plus que 148 personnes sur 279, et le second 172 sur 262. Des restrictions sévères frappent également l’Institute of Museum Services et, en définitive, seules les institutions les plus en vue (la National Gallery of Art de Washington, le Smithsonian Institute, la plupart des parcs naturels…) ont vu la totalité de leur enveloppe budgétaire reconduite pour 1996.
Le retour des "amendements Helms"
"Ces mesures sont accablantes, déclare Jane Alexander, présidente du NEA. Nous avons accédé à 3 800 demandes de financement sur les 16 500 sollicitations que nous avons reçues en 1995, mais ce chiffre devrait s’établir entre 700 et 1 500 cette année". En outre, le Congrès a décidé de supprimer les bourses octroyées directement aux artistes, sauf en littérature et en poésie. Enfin, le Congrès a remis au goût du jour les "amendements Helms", de triste notoriété. Introduits il y a plusieurs années par le sénateur ultra-conservateur Jesse Helms, ceux-ci comportent des restrictions interdisant au NEA de subventionner des œuvres "qui dénigrent les objets ou les croyances des fidèles d’une religion déterminée" et "dépeignent ou décrivent de façon choquante des activités sexuelles et les organes sexuels ou excréteurs". À ce propos, Jane Alexander observe : "La conformité de ces restrictions à la Constitution a déjà été contestée dans le passé, et nous espérons qu’elle le sera encore."
Malheureusement, le temps que les tribunaux rendent une décision à ce sujet, le NEA risque d’avoir disparu. En effet, le président de la Chambre des représentants, Newt Gingrich, autre meneur de la croisade anti-culturelle, souhaite reconduire en 1997 les crédits affectés au NEA et au NEH en 1996… avant de les supprimer totalement en 1998. Bill Clinton a résolument condamné l’attitude du Congrès et proposé que le financement du NEA et du NEH soit en partie rétabli en 1997, à hauteur de 139 millions de dollars pour chacun, mais ses recommandations ont peu de chance d’être prises en compte par la majorité républicaine de la Chambre des représentants.
Dans l’intervalle, le Congrès a conseillé au NEA comme au NEH de rechercher des sources de financement privées. La création d’une loterie nationale sur le modèle britannique a également été évoquée, de même qu’un allongement de la durée du copyright.
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Le Congrès américain sort son revolver
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°26 du 1 juin 1996, avec le titre suivant : Le Congrès américain sort son revolver