Le Comité d‘authentification Andy Warhol a cédé face aux pressions du collectionneur Joe Simon en motivant ses refus.
NEW YORK - Le Andy Warhol Authentication Board vient de changer radicalement de politique. Le comité refusait depuis sa création en 1995 de rendre publics les motifs de rejet des œuvres soumises à son authentification, soulignant que la publication de ces critères pourrait guider les faussaires. « Le comité a pour règle de ne pas communiquer les raisons qui lui font refuser d’authentifier une œuvre. Néanmoins, le comité examine les demandes écrites des propriétaires… et se réserve la possibilité de fournir des explications, au cas par cas », précise le nouveau règlement du comité. Ce revirement est dû à l’affaire récente qui oppose le comité au collectionneur Joe Simon.
En mai, les quatre membres du comité ont adressé à Joe Simon, scénariste américain installé à Londres, une lettre motivant leur refus d’authentifier les deux œuvres qu’il leur avait soumises, un collage réalisé à partir de billets de dollars et un autoportrait sérigraphié rouge. Pendant plus d’un an, collectionneurs, marchands et journalistes ont accusé le comité d’avoir rejeté des œuvres authentiques de Warhol, et lui ont demandé de révéler les raisons de sa décision. Devant le refus de l’organisme d’en exposer les motifs, le collectionneur s’est tourné vers notre partenaire éditorial The Art Newspaper, vers la revue mensuelle américaine Vanity Fair ainsi que vers d’autres organes de presse. Face aux menaces de procès proférées par Joe Simon et le risque de le voir s’associer à d’autres propriétaires d’œuvres écartées, le comité a choisi de modifier ses pratiques. Après que son avocat new-yorkais Peter Stern eut menacé le comité de porter plainte, ce dernier a finalement envoyé à Joe Simon une lettre exposant les raisons du refus. Ainsi apprend-on que le nom du secrétaire du Trésor américain apparaissant sur certains des billets du collage de Simon est anachronique, cet officiel n’étant entré en fonctions qu’un an après la mort de l’artiste. Si Joe Simon a accepté cet argument, il maintient néanmoins que l’autoportrait sérigraphié en sa possession est authentique.
Le débat sur l’authenticité de cet autoportrait est complexe car celle-ci dépend du degré de supervision de l’artiste sur le travail de ses assistants. Selon le comité, si l’œuvre appartenant à Joe Simon est similaire à onze autoportraits authentiques datant de 1964, exécutés sur lin et inclus dans le catalogue raisonné, elle appartiendrait à une autre série d’au moins dix autoportraits exécutés sur coton par un sérigraphiste commercial, sans l’autorisation de Warhol. Le comité ajoute que les versions sur lin, à la différence des sérigraphies sur coton, comportent des retouches à la main témoignant de la supervision de l’artiste. Les intéressés s’accordent sur le fait que la série controversée a été produite en dehors du contrôle direct de Warhol. En effet, pour le remercier d’un service, l’artiste avait prêté des acétates de son autoportrait photographique à l’éditeur Richard Ekstract, en autorisant ce dernier à trouver des sérigraphistes et à imprimer un nombre indéfini de tirages. Le comité soutient que ce recours à des tiers ne correspondait pas à la façon de travailler de Warhol dans les années 1960. Des proches de l’artiste assurent pourtant le contraire, qualifiant de caractéristique cette manière de bousculer les critères traditionnels de la création artistique.
Arguments « inappropriés »
Joe Simon nous a déclaré qu’il trouvait « inappropriés » les arguments avancés pour justifier le rejet de sa sérigraphie. Selon lui, les faits sur lesquels se fonde le comité étaient sans nul doute connus de Vincent Fremont, qui a authentifié l’œuvre pour Christie’s en 1987, ainsi que de Fred Hugues, qui l’a également authentifiée en 1988 pour le compte du marchand new-yorkais Ronald Feldman, à qui il l’a achetée. Vincent Fremont et feu Fred Hugues étaient tous deux exécuteurs testamentaires de la succession Warhol et travaillaient pour la Fondation Warhol avant la mise en place du comité.
Joe Simon assure qu’il entend toujours poursuivre le comité. Néanmoins, comme toute personne soumettant des œuvres à son appréciation, il s’est engagé par écrit à s’abstenir de toute action en justice. Mais ce document n’altère en rien sa résolution : « Je suis déterminé, nous a-t-il déclaré, je continuerai jusqu’à ce que l’affaire soit réglée. »
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Le Comité Warhol se dévoile
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°204 du 3 décembre 2004, avec le titre suivant : Le Comité Warhol se dévoile