Lors de sa nomination à Beaubourg, Alain Seban avait énoncé sept priorités dont celle de créer un Centre Pompidou mobile. Ce type de musée itinérant saura-t-il conquérir de nouveaux publics ?
Lorsque le 5 novembre dernier, le président du Centre Georges-Pompidou, Alain Seban, dévoilait la silhouette du Centre Pompidou mobile destiné à « amener l’art dans les territoires mal irrigués par l’offre culturelle traditionnelle », il engageait son projet de musée itinérant dans sa dernière phase de concrétisation. À savoir : la recherche simultanée de la première région d’implantation et d’un mécène prêt à débourser trois millions d’euros pour construire cette structure démontable de 1 000 m2, signée Patrick Bouchain et conçue dans l’esprit d’un chapiteau de cirque à géométrie variable. Car sans mécène ni région, pas de musée itinérant.
Les institutions locales crient à la concurrence
Sur le papier, le principe du CP mobile paraît simple : s’installer durant un an dans trois lieux différents d’une région et présenter à travers une exposition, gratuite et à thème, une dizaine d’œuvres majeures du xxe siècle à une population rétive au musée. Et selon Alain Seban, il séduirait les élus. À charge pour eux, cependant, de financer chaque étape de cet espace d’exposition nomade, estimée à 300 000 euros (assurance, gardiennage, montage et démontage de la structure, et financement du personnel et des médiateurs), le Centre Pompidou apportant la structure financée par un mécène, la collection du Musée national d’art moderne et le soutien du Conseil de la création artistique dirigé par Marin Karmitz, conseil initié l’an dernier par Nicolas Sarkozy pour « faire bouger la culture ».
Cette structure de partenariat n’est pas sans rappeler le comportement désormais coutumier de l’État et de ses opérateurs consistant à engager de séduisantes et généreuses initiatives (telles les Saisons culturelles étrangères) en recourant autant que possible pour leur réalisation au mécénat, aux finances des collectivités locales et aux opérateurs culturels parisiens et régionaux. Non sans susciter quelques lassitudes et inquiétudes dans un contexte de crise où les coupes budgétaires amènent régions, départements et villes à faire des choix encore plus drastiques en matière de dépenses culturelles.
Le projet du CP mobile, à ce titre, fait crisser les dents de plusieurs directeurs de musées, de fonds régionaux d’art contemporain (Frac) et de centres d’art qui y voient une « déconcentration du Centre Pompidou » venant concurrencer leurs actions, leurs missions et leurs budgets, mais aussi une ambition bien ambivalente de la part d’un établissement par ailleurs réputé « mauvais prêteur de ses collections ».
Certes, et à la présidence du conseil régional d’Île-de-France comme au Frac d’Île-de-France on le reconnaît : expérimenter « les formes précaires, éventuellement foraines, de présence culturelle », pour reprendre les termes de l’une des dix propositions de Marin Karmitz, est dans l’air du temps et se réfère à différentes initiatives menées en France comme à l’étranger, au Brésil, notamment, avec un dispositif de structures nomades culturelles adossées à des complexes sportifs.
Du côté du Centre Pompidou, Alain Seban le confie : pour le CP mobile, il s’est inspiré du musée précaire Albinet d’Aubervilliers. Conçu en 2004 par l’artiste Thomas Hirschhorn, à l’invitation des Laboratoires d’Aubervilliers, il a consisté en un bâtiment de fortune construit au pied d’une barre d’immeubles où, pendant huit semaines, des œuvres de Duchamp, Malevitch, Mondrian… ont été montrées et des activités quotidiennes organisées, les tableaux provenant des collections du Mnam et du Frac.
L’ambition d’une telle structure nomade est effectivement claire : faire venir le musée dans les zones urbaines ou rurales enclavées socialement ou géographiquement. Autrement dit, apporter les œuvres à un public indifférent ou rétif au musée et au centre d’art et, par ce biais, faire tomber les clivages, réduire les distances avec ces institutions culturelles, du moins susciter un changement d’attitude vis-à-vis d’elles.
Le Centre Pompidou mobile, une initiative qui en appelle d’autres
Mais, au-delà de leur succès, quel changement de comportement peut produire ce type d’opérations, certes louables, mais ponctuelles par essence, chez ces non-publics ? Car depuis trente ans, les manifestations innovantes et généreuses en termes d’actions territoriales et sociales (tels les muséobus et les artothèques, mais aussi les interventions à l’école) n’ont pas manqué.
L’enquête menée par Olivier Donnat sur Les Pratiques culturelles des Français à l’ère numérique, publiée à l’automne dernier, a révélé l’échec des politiques culturelles menées en France dans ce domaine. Si l’offre en structures culturelles a explosé, et si l’on a beaucoup segmenté les publics, force est de constater que le musée échappe encore à toute une population et que le déclencheur général fait encore défaut. Études et rapports le répètent : élargir les publics engage à d’autres types d’implications, structurelles et politiques, comme la présence permanente des cours d’art plastique et d’histoire des arts, cela du primaire au secondaire.
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Le Centre Pompidou - Bientôt sur les routes de France
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°625 du 1 juin 2010, avec le titre suivant : Le Centre Pompidou - Bientôt sur les routes de France