Depuis onze ans, un hôtel perdu dans les montagnes suisses voit passer chaque été certains des artistes les plus reconnus. Une entreprise dont la constance et la qualité mérite bien, en plus du détour, une halte, d’autant plus que son responsable envisage d’y mettre fin.
COL DE LA FURKA - Culminant au sommet de l’un des plus hauts cols des Alpes suisses, à 2 431 m d’altitude, l’hôtel Furkablick est l’arrêt obligé des marcheurs comme des touristes. Ce n’est qu’avec beaucoup d’attention qu’ils remarqueront ici la présence des œuvres et des artistes, qui sont souvent restés discrets face au caractère grandiose du site qui les encadre. Sur les guéridons du salon rococo de l’hôtel, les livres d’arts contemporains, qui remplacent l’habituel programme d’une télé ici résolument éteinte, apportent néannmoins quelques indications sur les activités annexes de l’endroit. Enfin, un dépliant détaille le nom des artistes invités à séjourner chaque été pour une durée de leur choix.
Entre juillet et septembre, Victor Burgin, Christian Floquet, Filip Francis, Bethan Huws et Claude Rutault répondront à l’invitation de Marc Hostettler, qui tient, le reste du temps, une galerie à Neuchâtel. Tous les écueils des rapports entre l’art et la nature ont été ici contournés avec élégance. À aucun moment l’on éprouve le sentiment de visiter un parc de sculptures, ni celui de concourir à un jeu de piste : pas de parcours fléché, pas de cartels imperméables. Cela tient sans doute également au choix extrêmement divers des artistes, dont les œuvres n’entretiennent pas toujours un rapport direct avec la nature, qu’il s’agisse d’Olivier Mosset (en 87) ou de Claude Rutault, invité cette année.
Aussi parce que tous évitent le côté monumental d’une sculpture qui ne saurait produire les mêmes effets au pied des glaciers. Enfin, le séjour prolongé ou renouvelé de nombreux artistes prouve leur réelle implication dans cette aventure. Lorsque Richard Long peint une frise sur la corniche d’une maison, il ne fait qu’entretenir une tradition locale, sauf qu’ici, le motif reproduit des flèches qui indiquent tous les changements de direction du vent à cet endroit, au cours d’une seule demi-heure.
Même chose pour Daniel Buren, qui appose ses rayures sur les volets, souvent ici décorés de motifs géométriques, mais les rayures – vertes au Nord, rouges à l’Est – ne sont visisbles que volets clos. L’œuvre n’existe donc complètement qu’au crépuscule ou au petit matin ; ou encore l’hiver, lorsque la neige bloque l’accès du col. De Günter Förg à Paul-Armand Gette, de Lawrence Weiner à Jenny Holzer, chaque artiste a laissé une trace de son passage assez singulière au regard du reste de son œuvre.
Depuis 1983, se sont succédés à la Furka James Lee Byars, Marina et Ulay Abramovic, Joseph Beuys, Jean Le Gac, Ian Halminton Finlay, Royden Rabinowitch, Rémy Zaugg, Panamarenko, Roger Ackling, John Armleder, Niele Toroni ou Roman Signer, pour ne citer que les plus connus. Pourtant, Marc Hostettler projette de fermer l’hôtel. Voilà déjà onze ans qu’il renouvelle chaque été ses invitations. Il avoue aujourd’hui être un peu lassé, non du lieu, ni des artistes, mais par la somme d’énergie que représente chaque année la constitution d’une équipe hôtelière, qui s’ajoute à la difficulté croissante à trouver des sponsors.
Hôtel Furkablick, juillet-août-septembre, CH-6941 Furkapasshöhe, tél. 044 672 97, fax 044 672 44
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’art à l’hôtel
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : L’art à l’hôtel